Je ne peux oublier cette soirée où tu m’as dépucelée sauvagement, sans autre préoccupation que ton besoin sexuel bestial.
J’avais 16 ans, mineure donc. Tu en avais 32, majeur donc, adulte donc.
J’étais loin de ma famille, vulnérable.
Au début tu m’as gentiment draguée puis un soir tu m’a entraînée dans ton quartier, loin du mien, écouter du blues dans un bar sombre ; nous avons bu. Tu m’as fait boire. Tu étais excité. Je n’avais jamais rencontré d’hommes sexuellement auparavant. Virginité. Innocence. Je ressemblais à une jolie petite fille.
Il était trop tard pour prendre le métro quand on est sortis du bar. Tu aurais pu me payer le taxi pour que je rentre chez moi, mais tu t’es payé mon corps, à la place. Tu m’as fait monter chez toi, en haut d’un immeuble. Le matelas était par terre. Tu te croyais poète, en travaillant à la poste.
Combien de jeunes filles as-tu fait monter ainsi de nuit sans soulever le moindre soupçon, sans alerter tes voisins respectables ?
Combien de femmes as-tu violé ?
Tu as bousillé ma jeunesse et empoisonné 27 ans de ma vie d’adulte. Combien de plaisirs as-tu pris sur le dos de l’existence des autres ? Combien de satisfactions perverses ?
Quelle profonde illusion peut-elle te faire croire que tu as aimé ces jeunes filles que tu as abusées en toute bonne conscience ?
As-tu seulement vu dans ton miroir le matin ton visage de violeur ?
Le sourcil broussailleux, l’œil bleu qui ment, l’allure alerte, la gabardine prête à s’ouvrir sur tes organes sexuels tyranniques.
Quel âge minimum as-tu défloré ?
As-tu fondé une famille avec des enfants ? As-tu abusé sexuellement de tes enfants ?
Comment tu pourrais répondre de ces crimes ? Avec des rimes ?
Il y a 33 ans déjà, et rien n’est effacé.
Je n’ai pas pu créer de famille, avoir des enfants, aimer un homme. Tu as tout détruit sur ton passage.
Je sais ce que c’est que d’être violée. Tous les jours je côtoie des adolescentes et je vois le chemin qui leur reste pour éviter ça. J’aimerai les aider.
Ce matin-là, il n’y avait personne à mon réveil. Pas même le courage de voir ta victime en face. Pas un mot.
J’aimerai tant te voir comparaître devant un tribunal.
Je suis persuadée ne pas être la seule victime de tes abus et cela pourrait alors se confirmer.
Tu es un salaud, un assassin, tu ne pourras plus l’oublier ou le passer sous silence. La vérité sort toujours de terre.