Aujourd’hui j’ai trente ans et les souvenirs de viols répétitifs commis par le mari d’une nounou qui nous gardait avec d’autres petites filles m’est revenu de plein fouet.
J’ai toujours pensé être un être sensible, profondément mélancolique, mal à l’aise en société, obligé de s’oublier par tous les moyens qu’il trouve pour affronter la vie, survivre je disais…
Il aura fallu un second viol à 19 ans pour que la mémoire me revienne peu à peu, jusqu’à hier soir. Véritablement tremblement de terre intérieur, je ressens depuis des décharges dans le cerveau, comme si je faisais des minis crises d’épilepsie espacées parfois de seulement quelques secondes.
Tout m’est revenu comme un coup de poignard dans le ventre (l’image est assez éloquente sachant que je traine derrière moi dix années de boulimie vomitive, comme si j’avais besoin chaque de vomir cette partie de moi qui a été souillée, parce que c’est comme que je me sens 25 ans plus tard.
La moquette beige que je triturais en attendant “mon tour”, celui de la sieste avec “tonton”, le ronronnement du chauffage, les rideaux blancs derrière lesquels je me cachais une fois qu’il en avait fini, et surtout cette sensation de vide lorsqu’une fois son affaire terminée, il remettait son slip blanc et quittait la chambre sans même un mot, ni même un regard. J’étais totalement déshumanisée, un objet dont on se sert pour se vider.
Durant cette période, je suis tombée gravement malade, j’ai été déscolarisée et je devais aller faire des piqures tous les jours à l’hôpital. Je n’en ai absolument aucun souvenir. Mes parents n’ont rien vu du tout, la nounou avait probablement pris ses précautions. Quant à moi, je me suis enfermée dans un déni tout autant salvateur que destructeur.
Aujourd’hui, je souhaite désormais confronter mes bourreaux et porter plainte, même si je sais bien que la plainte n’aboutira à rien au vu du temps qui s’est écoulé.
Je souhaite du courage à toutes les victimes qui luttent chaque jour pour leur survie.
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