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Mon viol a quarante ans

En septembre 1982 je pars pour trois semaines à Miami, rendre visite à ma meilleure amie d’enfance et de lycée. J’ai vingt ans. Elle y a retrouvé son amoureux et suit des cours d’anglais dans une école. Quelque temps après son arrivée, son amoureux a été expulsé en Amérique Latine, faute d’avoir ses papiers en règle. Elle attend son retour à Miami et se réjouit de ma visite pour rompre un peu son attente et peut-être aussi sa solitude. Un ami de son amoureux nous loge gracieusement dans son bureau d’études géométriques. Je viens de l’Allemagne du Nord, la Floride est un choc pour moi, j’ai l’impression de respirer après mes années d’adolescence pas très rigolotes. Nous décidons donc rapidement que je reste à Miami au lieu de rentrer en Allemagne pour y commencer des études, comme cela a été prévu. L’ami-hébergeur – que je nommerai P. – est d’accord, mes parents, eux, sont furieux. Pour pouvoir résider légalement en Floride, je m’inscris à la même école que mon amie, je ne me soucie de rien, dans notre temps libre, nous profitons des plages alentour et de notre jeunesse. Mais au bout de quelques semaines, mon amie part finalement rejoindre définitivement son amoureux et je me retrouve seule, ce à quoi je ne m’attendais pas. Je décide de finir l’année scolaire et continue à être hébergée par P., un homme marié d’une quarantaine d’années, père de trois enfants. Le bureau d’études de P. consiste en un petit pavillon, plusieurs hommes y travaillent la journée avec P., les soirs et les weekends j’y suis seule.
Décembre 1982, un dimanche. Il est tôt le matin, je dors encore. La porte de ma petite chambre s’ouvre soudain d’un coup violent. Surprise, je vois P. entrer, il ne parle pas et est visiblement alcoolisé, il se déshabille, se jette sur moi, me viole directement. Il doit faire quasi le double de mon poids, tout se passe très vite, je n’ai pas vraiment le temps de réaliser la gravité de la situation. Je suis tétanisée, incapable du moindre mouvement, du moindre cri. Je suis comme un animal, paralysée de la tête aux pieds, je ne comprends rien de se qui se déroule et n’arrive absolument pas à me débattre. J’avais confiance en cet homme, il représentait jusque-là un peu une sorte de figure paternelle pour moi. Le choc est total. Je suis absolument seule dans ce pays de l’autre côté de l’Atlantique, je n’ai pas l’argent pour me payer un billet de retour pour l’Allemagne où, de toute façon, la situation familiale n’est pas terrible à mon égard, mes parents ne m’ont pas pardonné ma décision de rester à Miami. Et puis, il est hors de question de leur parler de ce qui vient de m’arriver. Sujet impossible, tabou, inavouable. De toute façon, je l’aurais bien cherché, puisque j’avais décidé d’y rester au lieu de rentrer…
P. ne s’arrête pas là, ce viol devient un viol à répétition pendant des mois. Souvent, il est sous l’emprise de l’alcool et je n’arrive pas toujours à m’enfermer pour me protéger de lui. Quand j’y arrive, je passe des heures enfermées à tenir la poignée de porte bloquée, l’angoisse au ventre, en attendant qu’il abandonne et parte. Il arrive fréquemment qu’il m’emmène dans des chambres sordides. Je ne m’appartiens plus, je me dégoute, j’essaie de m’absenter mentalement, le temps que cela se passe. Je me sens salie jusqu’à la dernière cellule de mon corps que je ne considère plus comme m’appartenant. Je suis paralysée, je suis muette. Même quand mon père vient contre toute attente me rendre visite, je ne peux me confier à lui. L’idée ne me traverse même pas l’esprit, tellement c’est impensable. A l’époque, partir aux États-Unis n’était pas aussi fréquent que cela est aujourd’hui, un tel séjour était onéreux, et mes parents ne roulaient pas du tout sur l’or. Du coup, je ne veux pas lui gâcher son séjour, me montre joyeuse, essaie de le protéger aussi, je pense. Je ne veux pas qu’il ait une fille sale, car c’est ce que je suis devenue dans ma tête et dans mon corps.
Je ne sais pas comment m’en sortir de là. Je survis. Je n’ai absolument pas l’argent pour me payer une chambre ou un billet d’avion de retour, je dois finir l’école pour ne pas rajouter une autre déception à mes parents, je n’ai pas de permis de travail. Un jour, environ six mois après ma première agression, une autre agression traumatisante a lieu, mais qui finalement va me sortir de cet enfer. Une nuit, alors que je dors seule dans le bureau d’études, j’entends des voix dans la maison. Quelqu’un est dans la maison. Plus que terrorisée, je me lève, tétanisée et comme en transe, pour voir ce qui se passe. Les nuits d’été floridiennes sont chaudes et c’est seulement vêtu d’une culotte et d’un petit débardeur que je tombe nez à nez avec un inconnu qui parle à un autre homme dont je ne vois pas le visage. Ils échangent en espagnol. Une fois de plus, aucun mot ne sort de ma bouche, mais cela me sauve peut-être la vie. Je retourne comme un automate dans ma chambre, appelle non sans grande difficulté la police – mes mains tremblent tellement que me servir d’un téléphone devient difficile, je ne sais plus le numéro d’urgence… Quand finalement les flics arrivent, les voleurs ont quitté les lieux avec leur butin. A partir de ce moment, j’ai trop peur pour continuer à rester dans ce lieu et c’est ainsi que je raconte le vol – et non le viol – à mes parents et les prie de m’envoyer un billet d’avion afin de pouvoir définitivement quitter cette situation et rentrer en Allemagne.
Je n’ai jamais parlé des viols. Jusqu’à peu, j’ai dû penser inconsciemment que je les méritais en quelque sorte pour ne pas être rentrée en Allemagne au bout de trois semaines comme prévu et pour avoir ainsi tellement causé du chagrin à mes parents, notamment à ma mère. Ce n’était non seulement un sujet tabou, c’était ma punition. Aujourd’hui, je me demande d’où j’ai pris la force pour tenir débout pendant et après cette période. Il y a quelques mois, j’ai entendu parler à la télévision ou à la radio de la définition d’un viol, entre autre d’un viol par surprise. Cela a fait comme un déclic dans ma tête et a mis – après quarante ans – des mots sur ce que j’avais réellement vécu mais que je n’ai pas pu reconnaitre pour ce que c’était réellement : un viol, des viols. Ceci m’aide aujourd’hui a comprendre mieux d’autres faits importants de ma vie pour lesquels je n’avais pas vraiment d’explications jusque-là et pour lesquels je me chargeais et me charge toujours énormément moi-même en culpabilité : mes relations difficiles avec les hommes, mon énorme manque de confiance en moi d’où une vie professionnelle complètement ratée, une sexualité synonyme de source d’angoisses, un déni pour mon corps de femme (mon cancer du sein, il y a cinq ans, a peut-être un minuscule lien avec mon séjour d’antan, qui sait), une grande solitude. Je n’ai jamais pu intelligemment commencer et construire ma vie, aussi bien ma vie familiale que professionnelle, j’ai fait ce que j’ai pu mais j’ai quand même échoué. Le viol n’explique pas tout, bien entendu, mais il éclaire beaucoup d’aspects de ma vie avec le recul. L’autre jour, en rangeant des vieux courriers, je suis tombé sur une lettre oubliée que P. m’avait adressée quelque temps après mon retour en Allemagne. Il m’y a présenté ses excuses disant qu’il ne voulait pas me faire du mal ce qui me prouve qu’il était tout à fait conscient du mal qu’il me faisait. Ces excuses n’ont aujourd’hui aucune importance ou valeur pour moi, ce qui est important ce que j’arrive à me pardonner moi-même.
C’est pour cette raison que je me suis promis de publier ce fait, pour m’en débarrasser d’une manière symbolique, et aussi, je ne le sais pas encore, pour le raconter via ce détour à mon fils et pour lui en parler après de vive voix, s’il le souhaite et sans le charger en émotions ou énergie négatives. Je souhaite juste qu’il comprenne un peu mieux pourquoi sa mère est devenue en partie la mère qui est la sienne. Finalement, je souhaite contribuer à mon simple niveau à ce que cette violence destructrice de goût de vie cesse, qu’elle cesse un jour pour toujours. Merci pour votre lecture !

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Isa
Isa
2 années plus tôt

Terrible. Jeté souhaite de trouver la sérénité et de pouvoir en parler à ton fils.

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