J’ai besoin de déposer quelque part par écrit, ce qui m’est arrivé vendredi dernier, à Montauban, à la fois pour moi, et pour toutes les femmes, ajouter ma voix aux nombreux témoignages, un de plus. Ici, me paraît un endroit adéquat. Ce qui m’est arrivé, occupe mes pensées de plus en plus, me met en colère et me révolte.
J’ai 56 ans. Vendredi dernier, j’avais prévu, entre deux occupations en ville, de passer mon temps à lire, dans la médiathèque de la ville. Puis, m’apercevant que dans le petit parc que je connais, situé devant la médiathèque, il faisait bon, il y avait de l’ombre et une légère brise bien agréable, je me ravise, pour aller m’asseoir dans le parc sous un kiosque, endroit le plus ombragé du parc.
C’est un endroit très fréquenté par les familles, personnes de tous âges et de tous sexes, le midi en semaine, et le week-end toute la journée. Les familles ou des mères avec leurs enfants ont l’habitude d’y pique-niquer. Là, nous étions en semaine, dans l’après-midi. Je n’ai pas prêté attention au fait qu’il n’y avait alors dans le parc que des hommes, plutôt jeunes, certains en groupe occupés à discuter ou écouter de la musique. Et après tout pourquoi, y aurais-je accordé une attention particulière ? Je m’y suis toujours sentie en sécurité. Il y a du passage avec la médiathèque en face, un parking et des commerces.
Je m’assois donc à l’ombre sur un siège et commence à lire. Quelques temps après, un homme vient s’asseoir sur le siège à côté du mien. Il commence à me parler et m’appelle “Ma chérie”.
Je lui réponds immédiatement :
– Tu vas arrêter tout de suite de m’appeler comme ça, je ne suis pas ta chérie
– Bon, alors “Mon chéri”, tu as peut-être changé de sexe.
Je continue de lui répondre fermement (en élevant le volume de ma voix, de sorte que les hommes à proximité, entendent et comprennent ce qu’il se passait) :
– Je vais être très claire. Je ne suis ni ta chérie, ni ton chéri.
– Et vous lisez quoi Madame ? (Il s’était radouci pour adopter une attitude convenable)
– Une BD
– Et elle vous plaît ?
– Oui beaucoup. Elle est particulièrement bien dessinée (et je lui montre pour preuve 2 ou 3 pages de la BD).
Là, il recommence à me parler avec des “Ma chérie”. Ce à quoi, je lui répond avec toujours autant de fermeté :
– Je te répète que je ne suis ni ta chérie, ni ton chéri. Tu arrêtes ça. Il n’y a pas d’ouverture là. Tu le vois bien. C’est fermé. Point barre.
– Alors, je vais te violer (Oui, j’avais bien entendu !!! Bon, vu le monde autour en pleine journée, je ne risquais pas qu’il puisse mettre sa menace à exécution, et n’en avais de ce fait pas peur. Ses propos étaient néanmoins tout à fait inacceptables).
– Tu te rends compte de ce que tu dis là ? On ne dit pas des choses comme ça. On ne dit pas à une femme qu’on va la violer. On ne profère pas de telles menaces. C’est passible d’une sanction aux yeux de la loi.
– Mais, c’est toi aussi, qui est venue me chercher.
– Pardon ? Je te rappelle que j’étais tranquillement assise là. Que tu es venu t’asseoir à côté de moi en m’appelant ta chérie, puis ton chéri. Je t’ai alors dis que je n’étais ni l’un, ni l’autre, que tu n’avais rien à espérer de moi en ce sens, et que la conversation était close. Et là maintenant tu menaces de me violer. Ce n’est pas moi qui suis venue te chercher, mais le contraire. (Et je prends alors à témoins les jeunes hommes qui étaient à proximité).
Face à ma fermeté, et à ma dénonciation publique de son comportement, il s’est finalement levé, pour aller rejoindre un groupe de copains à proximité.
Un jeune homme assis en face de moi m’a alors gentiment dit :
– C’est à lui de partir, pas à vous. Il a bu vous savez.
– Oh, cela se voit bien qu’il a bu. Mais ça n’est pas une raison, ni une excuse.
Et là auprès de ses copains, mon importun en a remis une couche :
– Si elle est consentante, ça n’est pas un viol.
(Cela en dit long sur le personnage, après la scène qui venait de se dérouler). Je n’ai pas relevé. Ce n’était plus à moi qu’il s’adressait. Il était parti de son siège , j’étais maintenant tranquille. Je pouvais tranquillement reprendre la lecture de ma BD.
Ça, c’est ce que j’ai cru sur le moment. Puis, je me suis sentie de moins en moins sereine en lisant ma BD, j’y prenais moins de plaisir. Et j’ai aussi remarqué, que j’étais en alerte, dès qu’il y avait un peu de mouvement pas loin de moi. Je surveillais si un autre homme allait venir s’asseoir à côté de moi. J’avais peur d’être importunée à nouveau.
Alors, finalement, je suis partie lire dans la médiathèque au lieu de profiter du beau temps en extérieur dans un espace vert, pour me sentir à nouveau vraiment tranquille, et me replonger dans ma BD sereinement.
Néanmoins, ce type m’a volé mon assurance, mon insouciance, une part de mon intimité.
Cela me fait du bien d’écrire ce témoignage ici.
A Montauban, ils ont pris l’initiative d’installer à différents endroits de la ville des panneaux sens interdit en forme de coeur brisé en deux, et l’inscription “Non aux violences faites aux femmes” en dessous.
Je rêverais maintenant qu’un tel panneau soit installé au centre du parc où j’ai fait l’objet de harcèlement. Il faudrait que l’inscription sous le panneau soit quelque chose comme “Non, aux violences faites aux femmes, dont les harcèlements de rue qui en sont également” et qu’il y ait aussi une plaque : “Ici même, se sont déroulés les faits suivants (résumé de ce qu’il m’y est arrivé). Ça a l’air anodin peut-être, mais ça ne l’est pas. C’est grave. Ce parc est un lieu public où hommes et femmes devraient se sentir égaux, comme ils devraient l’être partout ailleurs.
Et si je le fabriquais moi-même ce panneau ? Si j’en parlais au planning familial, pour officialiser cette démarche ? Un témoignage vivant, dans l’espace public…