Il m’a violée.
Il m’a violée.
C’est ça, le mot. Je ne peux pas encore le prononcer.
L’écrire c’est tellement déjà.
Cet homme qui se targue d’altruisme, qui sous couvert d’être un bourreau de travail, tout dévoué à la noble tâche d’œuvrer dans un métier au service des autres, a été pour moi un bourreau tout court.
J’ai été sa proie. Et ça aussi, c’est dur à encaisser. Une proie savamment chassée.
Séduisant au début. Tellement. Doux, se disant triste d’être seul. Il ne l’était pas. D’ailleurs. Je ne l’ai su qu’après.
Entretenant le mystère. Puis l’enclenchement rapide de la violence psychologique et sexuelle : séduire, brutaliser, si fort, si soudainement, se plaindre dans la foulée d’être si malheureux, à cause de moi, me faire douter de mon jugement, nier les évidences, me dénigrer, m’isoler. Et puis recommencer le cycle. Détruire.
Et j’ai cherché, longtemps, désespérément, comme la tête sous l’eau, à tâtons, des mots. De lui. Des gestes qui soignent, de lui. Pour humaniser cette violence.
Ils ne sont pas venus. Ils ne viendront jamais. Et je sens aujourd’hui qu’il le connaissait bien, ce cycle de la destruction. Je n’étais pas la première. Je ne serai pas la dernière.
Et ça me saute au visage, ça ouvre de nouveau l’entaille, quand je le vois, en toute impunité, être valorisé dans les réseaux professionnels et pseudo-amicaux qu’il entretient froidement. Quand je pressens qu’il entretient son vivier. Des femmes en situation d’infériorité par rapport à lui, par leur âge ou leur statut. Des femmes en couple chez qui il verrouille ainsi le secret. Des femmes qu’il fait passer pour faciles, décrédibilisant ainsi leur parole.
Il m’a volé ma sérénité.