La pelle
Mon beau père que j’appelle papa est seul avec moi ce soir là. Nous regardons la télé. Il m’enlace et m’embrasse sur la bouche, dans la bouche, avec la langue. Il me dit : ce n’est pas la peine de le raconter, ils ne comprendraient pas. J’ai huit ans, ou moins. Je n’ai parlé de cet épisode à personne, absolument personne, jusque mes 35 ans. Tout à coup le souvenir de cette pelle m’est revenu, au cours d’une séance chez une thérapeute. J’en ai parlé. Elle m’a dit que j’ai eu de la chance que ça ne soit pas allé plus loin. Oui j’ai eu de la chance. Mais cette pelle, j’y repense encore, avec colère ; avec de plus en plus l’envie de lui balancer dans la tronche et d’exiger des excuses. Des excuses avant qu’il soit trop vieux et qu’il meure. J’ai coupé tout contact avec ce beau père vers les 30 ans. J’ai 51 ans, ma vie sentimentale a toujours été catastrophique. Une seule personne au monde connaît ce secret. Maintenant, plusieurs personnes le sauront. Ce n’est qu’une pelle, mais incestueuse quand même.