Bonjour
Aujourd’hui je viens vers vous, témoigner et chercher également du soutien, des réponses, des gens comme moi.
Je ne suis pas une “victime”, mais plutôt le fruit du viol.
Celui de ma mère par son beau père.
C’était il y a 40 ans, mais je ne l’ai appris et surtout compris que très récemment.
Le problème est que maintenant que je suis au courant de l’histoire au complet, je ne saisis plus quoi penser.
Cette personne, mon père biologique, je l’ai toujours aimé. Les 10 ans que j’ai passé avec lui, je n’en ai que des bon souvenir. Il était protecteur avec moi, au plus profond de moi, je l’aime pour ce qu’il m’a offert. Je n’ai que de bons souvenirs de lui, je passai même avant ses propres enfants.
Et Pourquoi 10 ans me direz-vous ? Et bien tout simplement car il s’est suicidé, il y a 30 ans. Dans des circonstances étranges.
Ma mère ne m’a jamais parlé de mon père biologique, ce n’est que des brides d’informations qui m’ont conduit a la vérité. Mais pas la vérité total. Au fond de moi j’ai toujours su que je n’étais pas désiré, mais j’osais espéré un amour impossible.
Finalement j’ai appris que j’étais né d’un viol, conséquences et finalité de 6 ou 7 ans d’attouchements. Ma mère avait 17ans a ma naissance…
Aujourd’hui je comprends le mal de ma maman qui a réussi à me confier ce lourd secret, (qu’elle n’a jamais évoqué, pas même a son mari, mon père d’adoption, depuis l’âge de mes 5 ans). J’aimerais partager ça colère, mais je n’y arrive pas. Comment effacer les souvenirs, les bons moments passés avec lui, avec mes oncles et tantes, qui deviennent subitement des demi frères et sœurs. Je n’y arrive pas. Et j’ai peur de faire du mal a ma maman en y arrivant pas.
J’ai toujours pensé que j’irais mieux, en connaissant les fondements de mon histoire, mais je crois que je me trompait.
Bonjour,
Votre situation est très difficile mais maintenant que vous connaissez le problème, vous pouvez réellement agir dessus pour essayer de mieux le vivre. Avez-vous essayer de consulter un psychologue ou d’intégrer un groupe de paroles en ligne ou IRL de personnes qui sont nées d’un viol, ou alors de proches de victimes? Cela vous permettrait de parler de votre mal-être et de travailler dessus. Les associations d’aide aux victimes pourraient vous renseigner. Chercher sur internet les sites de “Revis Hérault” et “Sous le regard d’Hestia” (recensent les asso contre l’inceste/la pédocriminalité), “Arrêtons les violences” (asso contre les violences sexuelles et sexistes) ou encore “France victime” (réseau d’aide pour les victimes d’infractions). Sinon, il y a d’autres témoignages de personnes nées d’un viol sur ce site ou quelques articles en ligne.
On ne peut pas vraiment choisir de détester quelqu’un qu’on a aimé, surtout quand c’est un parent, ce n’est pas quelque chose qui peut se contrôler. Pour tout dire, c’est tellement compliqué qu’il y a même des victimes qui continuent à aimer leur agresseurs, ou alors sont torturées entre la haine et l’amour, tout en étant traumatisées par ce qu’ils ont fait. Peut-être même que votre mère l’a aimé ou l’aime toujours quelque part…et ce serait normal car c’était son beau-père. Donc ne culpabilisez pas de ne pas réussir à le détester. Par contre, vous pouvez faire le choix d’être lucide sur sa personne et de prendre conscience que l’image que vous avez de lui est “biaisé”. Vous étiez visiblement jeune quand il était encore vivant, votre vision des choses était innocente et naïve, et les agresseurs font en sorte de bien se faire voir par autrui. L’important est de ne pas l’idolâtrer, de ne pas minimiser ou de ne pas le considérer comme quelqu’un de bien. Il reste l’homme qui a manipulé et violé votre mère, alors qu’elle était sa belle-fille et une enfant qu’il était censé protéger et respecter. C’est pas juste une erreur ou un défaut à ce stade.
Je pense que vous devriez essayer d’ expliquer à votre mère ce que vous ressentez. Je ne connais pas votre relation, mais même si l’enfant n’est pas forcément désiré, cela ne signifie pas pour autant que la mère ne l’aime pas ou que tout amour est impossible. Et puis, dialoguer avec elle permet de briser la glace et de vraiment savoir ce qu’elle pense de tout ça et de vous. A mes yeux, c’est aussi le meilleur moyen d’éviter de la blesser. Ce qui fait le plus mal en tant que victime, ce sont nos proches qui ne cherchent pas à nous comprendre, qui ne prennent pas réellement en compte ce qu’on peut ressentir, ce qu’on pense et ce qu’on a vécu voir même qui oublient et font comme ci rien ne c’était passé… Sans parler de ceux qui nous blâment, nous détestent et nous ignorent après qu’on est parlé. Fuir le problème n’apporte rien de bon. Si besoin, les associations d’aides aux victimes peuvent vous conseiller et vous renseigner pour mieux comprendre, peut-être que vous pourriez aussi partager leur coordonnées à votre mère si elle le souhaite.
Dans tous les cas, la manière dont vous êtes venu au monde ne vous définit pas, même si ça a évidemment une place et de lourdes conséquences dans votre vie. C’est toujours possible de laisser la place à autre chose et de vivre sans culpabiliser. Vous n’êtes pas responsable de tout ça.
Prenez soin de vous et de votre mère.
Bon courage.