Je me suis fait violer à 19 ans. Je suis une fille. Je voyageais seule, au Brésil, pays réputé dangereux. Je me suis laisser inviter à boire un coup par deux inconnus, qui m’avaient parus sympathiques, sur la terrasse d’un petit bistrot installé sur la plage.
Trois ans plus tard, je m’en veux toujours.
Les deux gars m’ont paru sympas, j’étais avide de rencontrer des gens, locaux, pour connaître ce pays pour lequel j’ai eu un coup de foudre, et où j’avais toujours rêvé d’aller. Je me suis installée avec eux, nous avons bu un peu, j’étais légèrement éméchée, juste bien pour être « sociable », sans plus. Deux personnes travaillaient dans le bistrot, qui n’était fréquenté que par nous trois. Il y avait sur cette petite plage, deux autres bistrots, le plus proche à une cinquantaine de mètres, un peu plus fréquenté. Il était à peu près 14 heures ; je ne comprenais pas grand-chose au portugais, mais j’écoutais les deux gars, profitais du moment. Je suis allée me baigner, l’un puis l’autre m’ont rejoint. Ils ont commencé à me prendre en sandwich, dans la mer (j’étais assez loin du bord mais j’avais encore largement pied, la mer était basse). L’un des deux m’a pénétrée et l’autre commençait à me toucher, il me coinçait contre l’autre. J’ai réussi à m’en aller. L’un des deux a commencé à me porter. Je déteste ça, je commence à me débattre. Je ne crie pas pour ne pas attirer l’attention des gens qui travaillent, j’ai un peu honte. Il me redépose. Je me rassois sur là où j’avais laissé mon sac, à la table, continue à boire un peu. J’étais sonnée. Les deux s’assoient de nouveau à la table aussi. Nous faisons comme si rien ne s’était passé. C’est assez flou dans mon esprit. En même temps, j’ai déjà vécu pas mal d’expériences sexuelles et je ne suis pas terrorisée par ce qui vient de se passer. Je suis souvent assez détachée par rapport au sexe, je prends ça à la légère. J’ai vraiment envie de faire pipi, je vais aux toilettes et, sans rien comprendre à ce qui se passe, je me retrouve poussée par le mec qui m’a pénétrée dans l’eau, dans les chiottes. Il ferme à clefs, me retire mon short et ma culotte de maillot de bain, me fout par terre sur lui et me force à baiser, me gifle sur les joues beaucoup de fois, me traite de pute à plusieurs reprises, et commence à me dire de le sucer. Je me débats, réussis à me relever et essaie de récupérer mon short. Je crie « pare » plusieurs fois, « arrête » en portugais (merci aux panneaux « stop » qui m’ont appris ce mot), il tire sur mon short pour ne pas que je le récupère, j’ai peur qu’il se déchire. J’entends quelqu’un passer derrière la porte des chiottes, je ne saurai jamais si c’était l’autre gars ou quelqu’un du bistrot, mais par reflex je baisse d’un ton, pour ne pas qu’on m’entende, car j’ai l’impression d’être coupable de ce qui se passe, j’ai honte, je ne veux pas être surprise dans ces chiottes avec ce mec. Je récupère enfin mon short, je tremble, il se casse des chiottes, je referme vite derrière lui à clefs, je me rhabille, je veux rester dans les toilettes mais me rappelle que j’ai laissé mon sac à la table. Je ressors vite, de peur qu’ils me le volent. Il n’en est rien, ils me demandent de me rassoir avec eux pour continuer à boire, j’hallucine, je commence à pleurer fort, j’explose, j’explique comme je peux au deuxième gars ce que son pote vient de me faire dans les chiottes, il me donne un billet de cent reais (environ 30 euros) !! que je lui lance à la gueule (je n’ai toujours pas compris pourquoi il avait voulu me donner ces sous). Je m’en vais vite, m’arrête à l’autre bistrot où il y a plus de gens, m’assoit sur la plage et pleure un bon coup. Quand je rentre enfin dans mon auberge de jeunesse, je prends une douche et reste enfermée pendant deux jours. Je pourrai continuer ce récit pendant encore longtemps mais cela ne servirait à rien. Je voulais juste témoigner pour partager le fait que je me sente coupable de ce qui s’est passé, ce n’est pas tout blanc ou tout noir, je pense que j’ai ma part de responsabilité, et c’est cela qui fait que je n’ai jamais pu partager avec personne cette nuance : j’ai ma part de responsabilité. Ça me fait souffrir. J’aimerais tellement retourner en arrière. J’aurais pu éviter cela. À toutes celles et tous ceux qui ont souffert des viols, violences sexuelles, harcèlements… je voulais juste vous dire que je vous aime et que je vous soutiens.
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