Une vie de femme ordinaire

Depuis #balancetonporc, je pleure. J’ai 50 ans et je pleure. J’ai réussi ma vie de famille, ma vie professionnelle, mais je pleure.
##Balancetonporc et #MeToo agissent comme des tsunamis. Tout ressort. Moi qui pensais n’avoir rien de spécial. Non rien, une femme comme une autre. Pas vraiment belle mais pas moche non plus comme dirait la chanson. Et pourtant, le flot ne s’arrête pas et je découvre de quoi je suis faite, de quoi j ai été construite, quels évènement ont structuré ma vie de femme jusque dans mon intime.
Je ne sais pas quand cela a commencé. A quelle moment les hommes ont considéré que j était une femme. Bien avant ma puberté c’est sûr.
J’ai 9 ans quand mon oncle avec des yeux gourmands me parle de ma jeune poitrine qui pointe sous mon sous pull vert pomme. Je suis mal à l’aise, je ne sais pas pourquoi. Les autres adultes rient, ce n est pas la première fois. je ne vais plus jamais jouer sur ses genoux.
J’ai 13 ans et je coure vite avec ma cousine pour ne pas nous faire rattraper. Pour s’échapper on coupe à travers un chantier, mauvaise idée. Mais ça passe, on a 13 ans et il en a 30.
J’ai toujours 13 ans et je me retrouve dans une chambre avec un garçon qui en a 10 de plus. Je me demande comment j’ai atterri là . Sauvée par un ami du garçon qui arrive dans l’appartement j’ai échappé au pire.
J’ai 16 ans et c’est mon premier job. Je suis au guichet d’une banque à Paris. Je me fais draguer honteusement par un client qui use et abuse de ma gène. Personne à ma rescousse. Ce début dans la vie professionnelle donne le ton.
J’ai 18 ans, je suis au volant de ma voiture et je vais à la fac. A un feu la voiture de devant ne démarre pas. Un type d’une quarantaine d’année descend, tape à la vitre et me propose d aller boire un coup, en tout bien tout honneur précise t il. Il insiste, je tiens bon et refuse. Si j’avais été un pépé de 80 ans il m’aurait proposé une partie de pétanque?
J’ai 20 ans et je passe une radio des poumons. Le radiologue me place devant les plaques (pas dans le bon sens, je le sais maintenant). Il me caresse la poitrine. Mon corps se souvient encore aujourd’hui de ses mains sur moi.
J’ai 24 ans et je consulte un sexologue. Mon conjoint est dans la pièce à coté. Pour vérifier ma « non frigidité » le thérapeute introduit un doigt dans mon vagin et s’emploie à essayer de me faire jouir. Je ne sais même plus si j’en ai parlé à mon mari. Ce qui est sur c’est que le sujet n’a jamais été évoqué en 26 ans . Je viens de le reprendre à la figure et de le qualifier de viol.
J’ai 26 ans. Je travaille dans une grande entreprise. Depuis peu j’ai changé de service. Au pot de départ de la jeune femme que je remplace déjà je m’interroge sur la personnalité de celui qui sera mon N+2. Grivois, certes mais pas que. C’est du lourd, tellement lourd que tout le monde rigole à ses sous entendus salaces jusqu’à ce que le doute s’installe en moi sur sa relation avec celle que je vais remplacer. Elle sourit mais ne proteste pas. J’ai vite compris. J’ai le droit à « Viens ma petite chérie dans mon bureau, je vais te mettre une fessée ». Quelques mois plus tard quand je lui annonce ma maternité à venir, il ne m adresse plus la parole ni ne me salue.
J’ai 38 ans. Je suis responsable du contrôle de gestion dans un service informatique. Un cadre supérieur avec qui je travaille en transverse entre dans mon bureau et se met à me parler de ma poitrine qui l’excite, moulée dans mon chemisier. Je lui hurle dessus, le vire de mon bureau. La porte est ouverte, à deux mètres tout le Comité de Direction entend, pas un ne bouge.
Voilà, une femme comme une autre. Ni plus ni moins et c’est ça qui est effrayant. Ces évènements sont les plus marquants, mais ils ne sont pas les seuls qui ont parsemés ma vie .
Je mets les mots qui s’échappent de mon esprit en fusion sur les réseaux, parmi ces milliers de témoignages, pour ne pas propager le mal du silence. Pour celles qui sont loin et qui dérouillent plus que nous, pour celles plus proches qui se battent et qui sont traitées d’extrémisme féministe : elles en font trop vraisemblablement, mais eux n’en n’ont ils pas fait assez?
A mon mari, mon fils, mon frère, mon père, des hommes formidables loin de ces comportements, mais que je souhaiterais plus conscients de ce qui persécute l’autre moitié de l’humanité.
A ma mère qui à fait un bout de chemin et à ma fille pour ce qui lui reste à faire pour défendre nos droits à être libre comme un homme.

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2 Commentaires

  1. elle

    Alors je pleure avec vous.Même génération, à peu de choses près même situations traversées.
    Même remontée à la conscience de certaines mésaventures nauséabondes que j’avais enfouies.
    Seule grosse différence à mes yeux: ma mère, certainement tordue bien que TRES éduquée (médecin)
    n’a fait aucun bout de chemin pour éveiller ses filles à la conscience de leur valeur, de leurs droits.
    Au contraire a protégé un de ses fils ayant abusé ma petite soeur pendant des années en organisant une omerta à vomir sur l’ensemble de la sphère famillale et sociale.
    Mon père , tout à fait respectueux des femmes ne nous a jamais protégées trop fasciné par sa femme et surement très égoïste.
    Alors je pense avoir fait le boulot auprès de mon fils et de ma fille pour rectifier cette absence d’héritage de respect de l’autre : homme comme femme.Mais je n’ai pas réussi ma vie professionnelle dans cette famille dont ma soeur a du s’exclure et où les filles ne valent tellement peu qu’elles ne se sont jamais projetées dans des carrières alors que bien plus brillantes que ce fils.
    Lui , bien propre sur lui a fondé une famille, est propriétaire d’un bel appartement à Paris, poursuit une brillante carrière dans la banque.Tout ça sous l’oeil bienveillant de maman.

  2. Jécoute

    Il faut dire à ta fille d’aller voir des médecins femmes…. éviter les docteurs hommes c’est dangereux.

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