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Une nuit en tente

Printemps – été 2008 : J’avais 15 ans. A était un de mes meilleurs amis.
Soirée chez L. (un copain et voisin) avec V. et A. Pas de souvenir de la soirée, mais de la nuit. Nous dormions en tente tous les 4 dans le jardin, j’étais à un bord (à gauche quand on rentre), A. à côté, L. et V. à droite. Je ne sais pas si j’ai eu le temps de m’endormir et que ça m’a réveillée, ou si ça a commencé dès le début ; je pencherais plutôt pour la 1ère hypothèse (fin de soirée, fatigués, aucune raison d’être anxieuse de quoi que ce soit à ce moment-là). J’étais allongée sur le côté, lui tournant le dos, et je l’ai senti collé contre moi. Peut-être qu’on s’était endormis comme ça sans que ça me choque ? Puisque je le considérais comme un ami, qu’on se faisait certainement des câlins régulièrement vu mon côté tactile. Mais le malaise s’installe, je sens sa (ses ?) main(s) posée(s) sur ma taille et mon ventre, passant sous mon débardeur, et sa main essayant de s’égarer, tantôt remontant vers ma poitrine, tantôt descendant sous la ceinture. J’ai un doute sur le fait qu’il m’embrasse dans le cou ? Qu’il serre son corps plus près contre moi ? Je ne sais plus (mais si ces doutes apparaissent dans mon esprit je suppose que je ne les ai pas inventés…) Je n’osais pas bouger, j’étais pétrifiée, sidérée, je ne comprenais pas et ne savais pas comment réagir. J’ai dû feindre de dormir. J’arrivais je ne sais comment à repousser ses mains quand elles allaient trop loin, par des mouvements de mon corps ou avec mes propres mains. Ça m’a paru interminable et ça a duré, sinon toute la nuit, du moins une bonne partie.
Je n’ai pas de souvenir précis de ce qu’il s’est passé le lendemain mais je crois que je n’ai plus jamais voulu le revoir. Et je ne crois pas qu’on ait eu une discussion dans laquelle il m’en demandait la raison, donc il devait sûrement le savoir.

Aujourd’hui en Mars 2021 : flash de cet épisode qui me revient en tête alors que je tombe sur le profil Facebook d’A. en fouillant les personnes qu’on ne croisait plus depuis le collège / lycée.
Gros choc en saisissant la gravité et la violence de ce qui s’est passé : c’était une agression sexuelle.


AVALER LA COULEUVRE

Alors voilà, moi aussi je fais partie de cet énorme mouvement MeToo finalement. C’est étrange parce qu’à cette époque, et il y a encore peu de temps, je cherchais dans ma mémoire si quelque chose me rapportait à ça, et rien ne me venait. Comment on fait pour s’en sortir maintenant qu’on y est jusqu’au cou ?
D’abord les premiers jours il faut le temps de réaliser ce qu’il s’est passé. C’est la stupeur, le choc, la sidération. Le cerveau n’est pas en état d’analyser ce que ça fait, il déballe ça d’un coup, en te disant « Coucou tiens regarde ce que je ressors des archives, allez bisous » et te laisse seule. Les deux seules pensées cohérentes qui m’apparaissent à ce moment-là sont « Mais en fait c’est hyper VIOLENT ce qu’il s’est passé cette nuit » et « Waow, l’esprit est quand même dingue, je savais qu’il s’était passé un truc gênant, je sais que je l’ai déjà raconté, sur le ton de la rigolade. Mais là, pendant toutes ces années, ça a été enfoui, et à aucun moment pendant ces 13 années je n’ai été capable d’en saisir la gravité ».
Ensuite vient la fameuse phase de la culpabilité, de la honte. J’aurais dû être plus claire dans mes réactions, rejeter sèchement sa main, me retourner et l’engueuler, prévenir les autres personnes présentes sous la tente. Pourquoi n’ai-je pas fait ça ?!!! Ça ne parait pourtant pas compliqué !
Mais rapidement, je me souviens des armes que je me suis forgée à force de côtoyer d’autres victimes, de lire des témoignages, de me renseigner sur le sujet. Alors je me fais violence pour refouler cette première bouffée malsaine. Attends, calme-toi et reprenons les faits. Tu avais 15 ans, tu étais totalement immature quant à la sexualité. C’était ton ami, tu avais confiance en lui. Tu n’avais jamais imaginé qu’il puisse commettre de tels actes. Il l’a fait alors qu’il y avait du monde à côté. Il l’a fait alors que tu dormais. Alors que tu n’as jamais montré de signe d’intérêt pour une quelconque relation amoureuse avec lui. Il a continué, alors que tu ne montrais aucun signe d’approbation, que tu ne réagissais pas (JE HAIS L’AUTEUR DU DICTON « Qui ne dit mot consent »), et que l’as même repoussé à plusieurs reprises. IL est coupable de ce qu’il s’est passé. Pas toi.
Donc : tu étais stupéfaite, tu t’es sentie trahie, tu ne comprenais pas ce qu’il se passait, tu as réussi à éviter le pire, et tu n’as plus jamais été en contact avec cette personne malsaine. C’est plutôt un bon bilan !
Alors j’arrive à en parler assez facilement à mes confidentes, des amies qui ont elles aussi été victimes d’agressions, et ma sœur. En deuxième ligne, il y a plus de challenge : des hommes, ou des personnes qui connaissaient l’agresseur à cette époque. Là ça demande un peu plus de ressources. Mais c’est d’autant plus libérateur quand j’y arrive.
Je sens grandir autour de moi, en même temps que dans ma tête et mon corps, ce ras le bol et cette colère. Pour le moment je ne sais pas quoi en faire, mais écrire tout cela me fait du bien, même si c’est douloureux. Encouragée, je pense à en parler plus encore, à rendre ce témoignage public également, peut-être plutôt de manière anonyme, mais à ajouter ma pierre à l’édifice du « tu n’es pas seul(e), tu n’as pas à avoir honte, tu n’as pas à te cacher ».

DEUXIEME ROUND

Et puis la vie reprend son cours. Il faut retourner au travail, mettre cette montagne de côté une fois encore, parce que si je ne suis pas à ce que je fais à 100% je peux mettre des vies en jeu. Au début c’est compliqué, et assez rapidement, ça devient la norme : ce n’est à nouveau, ou du moins j’en ai l’impression, qu’un souvenir lointain. Je me surprends à relativiser, à me dire « bon, en fait c’est peut-être pas si grave, c’est pas allé bien loin, et puis tu vois, une fois le choc passé t’arrives à vivre avec ».
Ça me perturbe et mes sentiments sont partagés : est-ce normal que je pense ça ? Est-ce que je ne devrais pas me remettre en colère ? Prendre sur mon temps libre pour me replonger activement dans mes pensées ?
Séance de psy où je lui raconte ça : elle me dit que c’est plutôt normal dans le sens où pour mon esprit cette histoire n’est pas un scoop, ça a toujours été là, latent, et puis ça a déclenché plein de choses derrière, des connexions se sont faites, ça m’a aidé à avancer sur plein de choses, maintenant ce n’est pas forcément LE truc sur lequel je me concentre.
Mine de rien je trouve quand même que des choses ont changé en moi. Déjà sensible auparavant à toutes les petites remarques anodines de la vie quotidienne, aux clichés sexistes, tout cela m’atteint un cran de plus. Etant en sexothérapie depuis plusieurs mois, je ne trouve plus l’énergie de m’intéresser à moi-même, à la découverte de mon corps. Ma libido diminue sensiblement. J’ai toujours du désir pour mon compagnon, mais quelque chose a changé.
Cela fait maintenant deux mois que j’ai eu ce flash. Que ces transformations en moi opèrent. Et puis la tristesse et la peur reviennent. Je raconte cette histoire à ma sexothérapeute, la boule à la gorge et les larmes aux yeux me surprennent, moi qui pensais que j’arrivais à en parler de manière plus détachée ces derniers temps. Je me mets à faire des cauchemars. Dans un premier, je suis en présence de deux copains d’enfance, habitant dans le même village qu’A.. Je pense : « mais s’ils sont là, il y a sûrement V., le grand frère d’A., qui doit être dans le coin. Et du coup, peut-être qu’A. lui-même va apparaitre ? Comment vais-je réagir si je le vois ? » ; le rêve s’arrête là. Dans un second, moins d’une semaine plus tard, je me retrouve en compagnie d’A., à me balader en bord de mer sur des falaises. Puis vient un moment où je ne sais comment, on se retrouve allongés sur un drap ; il me fait un câlin, je suis extrêmement mal à l’aise, mais je ne sais pas comment m’en dépêtrer et ne vois aucune échappatoire ; je panique. Les larmes aux yeux m’ont accompagné durant toute la journée qui a suivi.
Visiblement le travail n’est pas fini, mon subconscient a pris le relais.


AVEC DU RECUL
6 mois après le souvenir.
Je n’ai pas le courage d’écrire à cette période. La vie en apparence a repris son cours ; intérieurement, mon énergie sexuelle est au plus bas. Tout ce qui m’animait ces dernières années s’est évaporé. Je ne suis que dépit et ressentiment, je lui en veux d’avoir encore maintenant du pouvoir sur mes comportements, mes sentiments, mes envies. De quel droit ??!!

1 an après le souvenir.
Je reprends la plume, en même temps que sa présence hante mes rêves très régulièrement ces dernières semaines. Souvent dans le même contexte : nous nous fréquentons, sommes amis ou connaissances au sein d’un groupe ; je le trouve tantôt agréable et drôle, tantôt très pénible. Et puis, soudain, je me souviens de ce qu’il a fait. Je me sens gênée, prise dans un étau, je cherche à m’extirper de cette situation, je me dis « mais pourquoi es-tu toujours en contact avec lui ?! Crache-lui tout ce que tu as sur le cœur à la figure, raye-le ensuite de ta vie ! » . Toujours, je me réveille avant d’avoir pu le faire. Ou peut-être que je me réveille parce que la situation me parait trop insupportable. Dans le dernier rêve, il est célèbre, écrivain ou quelque chose dans le genre ; lors d’un événement public, parmi les « goodies » présents à son stand, il y a un T-shirt qui porte mon nom et est assorti d’un message à visée comique. Cette fois, je sais pertinemment ce qu’il a fait. Ma seule préoccupation est de savoir comment le dénoncer, devant autant de personnes.
En me réveillant, je me dis qu’il est temps de publier ce témoignage.

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