Un oncle

Une chambre aménagée au sous-sol de la maison de mes grands-parents. Un oncle qui n’a jamais fait sa vie, qui est handicapé, qui travaille et regarde la télé le reste du temps, dans son lit. Ce jour-là il est au lit au sous-sol et on m’envoie le chercher car le déjeuner va être prêt. Lui n’a pas aidé à préparer. Tous les autres sont dans la cuisine. Mon grand-père pèle les légumes, ma mère s’affaire devant la cuisinière, mon père est là aussi, mes deux frères, peut-être aussi d’autres oncles mais je n’en suis pas certaine. Je quitte la cuisine et descends seule au sous-sol, chercher cet oncle qui est sourd et muet, qui n’entendrait pas si on l’appelait du haut de l’escalier. Je descends et pousse sa porte. Il est couché, il me sourit et je lui signe qu’il faut venir manger. Au lieu de se lever, il me fait signe de venir sur son lit. Je m’asseois, il me prends par les épaules, il sourit beaucoup, et puis il me lèche. Les joues, le visage, il passe sa langue sur moi. Je ne bouge pas. Il me touche, il me demande « bien? » en souriant encore. Je n’ose pas dire que non. Ensuite je ne sais plus. Je n’arrive pas à me souvenir comment je suis sortie du lit et de la chambre. Je me souviens seulement avoir remonté les escaliers à une allure folle, la peur qui me traversait de part en part, comme lorsqu’on est poursuivie et qu’on est sur le point d’être attrapée. J’ai ouvert la porte, puis celle de la cuisine, tout le monde était là, les mots sont restés coincés à l’intérieur de moi. Un cauchemar récurrant de persécution a hanté mes nuits, des insomnies m’ont abîmée, une phobie m’a prie mon adolescence. Je ne sais pas si ces gestes ont été les seuls, ou les derniers.

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