20 mars 1997, j’avais 21 ans. C’était comme dans un film : des pas derrière moi, une angoisse qui s’installe, un combat intérieur entre la peur qui tente de s’imposer et la raison qui l’en empêche avec cette rengaine : mais non c’est pas possible, ça peut pas être ça, c’est juste un mec qui prend le même chemin que toi. Et déjà sous-jacente la culpabilité: c’était forcément moi qui avait “l’esprit mal tourné” pour oser penser l’impensable.
Ne pas se retourner, ne pas presser le pas au risque de provoquer l’irréparable.
Et puis le soulagement, il accélère arrive à ma hauteur et m’adresse la parole. Il me demande l’heure, mais peut importe ce qu’il dit, ce qui compte c’est qu’il parle. Pour moi, à ce moment là c’est le signe incontestable que ce n’est pas un monstre, d’ailleurs il s’éloigne et je ris de moi: je me suis fait un film, il n’y avait rien à craindre.
Quelques secondes plus tard pourtant c’est le choc, la désillusion brutale, il fait demi-tour en courant et se jette sur moi.
Il parle encore, mais cette fois je comprends que la parole n’enlève rien à la violence physique qui s’instaure. Le “tu es bonne” s’accompagne du geste, ses mains sont sur moi et me brûlent, tentent de m’atteindre au plus profond de mon être. Là le même discours à moi-même : ce n’est pas possible, c’est pas vrai, puis la réalité qui s’impose et son refus qui fuse: je hurle de toutes mes forces. C’est ça où je meurs, j’en suis sûre et je me le promets: s’il pénètre en moi, je refuse d’exister encore. Il est tellement surpris qu’il sursaute. Se pourrait- il qu’il se soit imaginé que j’étais d’accord ? Il part en courant après m’avoir projetée au sol. Je suis sauve, en tout cas j’en ai l’air. Pourtant je suis anéantie, au sens propre. Ses mains sur moi, sa bouche qui tentait de trouver la mienne, il voulait prendre mon corps comme si je ne l’habitais pas, cette seule intention a suffit à me séparer de moi-même.
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