Grâce au courage de nombreuses femmes qui brisent la loi du silence, à mon tour, je vais franchir un pas qui me paraissait infranchissable jusqu’ici: oser raconter un bout de mon histoire, de mon agression, publiquement. J’ose, grâce à celles qui osent, car nous devons toutes (et tous) briser cette loi du silence. Merci à elles d’être ma force. Je ne le nommerai pas, lui, ce violeur, mais s’il tombe sur ces lignes, il se reconnaitra, j’en suis certaine. Il sait ce qu’il a fait, il sait que ce qu’il a fait est mal. Je tiens à préciser que, lors des faits, j’avais 13 ans. Et que ce n’est pas la seule agression que j’ai subie. Il y en a malheureusement eu d’autres. Mais la plus violente fut celle-ci.
MON RÉCIT:
Il m’a demandé si j’étais vierge.
– T’es vierge?
– Oui.
J’ai répondu oui. Me l’a-t-il demandé avant ou après m’avoir rejoint dans les toilettes? Je ne me souviens plus. Il me l’avait en tout cas demandé la veille et l’avant veille.
Ce jour-là, je me souviens avoir fait pipi, tiré la chasse d’eau. Je me souviens m’être rhabillée et être sortie des toilettes. Il était là. Je le revois devant moi, à la sortie des toilettes, dans cette petite pièce sombre qui servait de dépôt, où était stockée la marchandise de l’épicerie, dans laquelle il s’apprêtait à me violer.
La scène se déroule à l’intérieur d’un bureau de tabac. À gauche de l’entrée, le long du mur, où sont disposés tous les paquets de tabac, est situé le comptoir. Une petite porte, derrière le comptoir, donne sur une petite pièce. Petite. Je ne sais plus comment petite. Mais petite. Dans la pièce, un lit, plus précisément une mezzanine. Je ne me souviens plus si c’était un matelas une place ou une place et demie. Je me souviens avoir été couchée là, la veille. Lorsque j’étais sa proie, avant de devenir une victime. Sa victime.
Il était donc là. Il m’a embrassée. Il a commencé à me toucher. Les hanches. Les fesses. J’ai proposé que l’on retourne là bas. Là-bas c’était la partie publique.
– Viens on va là-bas.
Il a continué à m’embrasser puis m’a dit qu’il voulait juste me parler.
– Je veux juste te parler.
– Tu peux me parler là-bas.
Je me souviens très bien lui avoir répondu qu’il pouvait me parler là bas, dans la partie publique. Je m’en souviens parfaitement.
Il a poursuivi en me disant qu’il voulait juste m’embrasser.
– Je veux juste t’embrasser.
– Tu peux m’embrasser là-bas.
Je lui ai répété qu’il pouvait m’embrasser là-bas, dans la partie publique. Il a fermé la porte. Il l’a fermée à clé. A double tour. Puis a commencé à me déshabiller.
– Non.
J’ai dit non. Je me souviens très bien avoir dit non. Il m’a dit que ça allait aller.
– Ca va aller…
Il a sorti un préservatif de sa banane bleue. Était-ce une banane bleu foncé ou bleu clair? C’était bleu, en tout cas. Il a sorti un préservatif. Tout était calculé et planifié…
« Assied-toi », « T’aimes ça? », « Tourne-toi », « Tu kiffes hein? ». Puis il m’a dit « Tu me suces ». Ou « suce-moi ». Je ne sais plus s’il a dit l’un ou l’autre. Je me souviens qu’il a fait usage du verbe « sucer ». J’ai dit « non ». Il a insisté.
– Non. Je ne veux pas.
– Allez…
– Non.
Je l’ai presque chuchoté ce dernier « non ». Je m’en souviens. Je ne sais toujours pas pourquoi il ne m’a finalement pas forcée à prendre son pénis dans ma bouche. Je n’ai jamais su pourquoi. Mais je me suis toujours demandé pourquoi. Pourquoi a-t-il entendu ce non, presque chuchoté de peur, et pas les précédents?
– T’es une menteuse! T’aimes la bite hein?
– Quoi??
– T’es pas vierge, y a pas de sang! T’as déjà baisé…?! T’es une menteuse. Pourquoi tu m’as menti?
– Je n’ai pas menti.
Nous sommes sortis des toilettes pour rejoindre la partie publique, où son cousin tenait la caisse et, sans doute, surveillait que personne n’aille dans le dépôt. Son cousin disait de moi que j’étais une fille bien, que je n’étais pas comme les autres. Mais après être sortie des toilettes, il m’a dit combien il était déçu, combien je l’avais déçu.
– Je croyais que t’étais une fille bien. Pfff, t’es comme les autres, tu me déçois, tu sais.
Mes jambes tremblaient. Je suis partie. Je suis rentrée chez moi et me suis effondrée. Je me souviens que mes jambes ont tremblé. Longtemps. Des jours.
J’ai été violée dans les toilettes d’une épicerie.
J’avais 13 ans, c’était ma première fois.
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#balancetonporc (j’utilise ce dernier pour le recensement mais les porcs n’ont rien à voir là-dedans!)
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Triste ….