Mon père.
Cet homme exquis qui m’a abandonnée petite, me laissant à ma mère psychiquement malade. Qui a toujours vécu confortablement chez ses parents (voiture neuve, argent de poche pour aller au café, vêtements) et jouait les poètes à ses heures. Jamais payé de pension alimentaire.
M’a laissé me faire placer à la DASS à 14 ans sans bouger un cil. Alors que ses parents étaient financièrement plus qu’à l’aise.
Et qui s’est souvenue de moi, un soir que je l’ai rencontré à 16 ans par hasard dans un bistrot avec des amis à moi. “Oh mais t’es devenue mignonne !”
J’ai voulu connaître mon père. Moi qui n’avais connu que des tarés avec mes beaux-pères. Je le savais cultivé, j’espérais qu’il allait partager des choses avec moi. J’espérais naïvement qu’il allait me récupérer, vu que je n’aimais pas être en foyer.
De 16 à 20 ans, une descente en enfer avec lui. Il me disait “Nan tu prendras pas de coca, je te paye une bière. Je n’aime que les femmes qui boivent”. Nous écumions les bars, complètement ivres, bras dessus, bras dessous. Quand un jeune-homme était intéressé par moi, il montrait les dents et se faisait passer pour mon mec. Il tenait à tenir ma main, avec les doigts croisés, comme les amoureux.
Il me parlait de Brel, Brassens, en crachant sur les femmes “toutes des salopes” et moi j’étais “une blondasse” et parfois “sa puce”.
Des années d’alcool, frôlant le coma éthylique, à avoir la mémoire pleine de trous. Je l’aimais, c’était mon père, ma famille, alors je restais avec lui, fascinée par sa culture. J’étais vide, j’avais rien, ma grand-mère qui m’accueillait le week-end était dépressive et parlait continuellement de suicide… Les autres hommes en soirée, en me voyant avec mon père, étaient narquois, me traitaient d’alcoolo et de pute.
Un soir, je me suis trouvée un petit copain, nous sommes allés chercher un peu d’intimité dans une impasse, plusieurs mecs me sont tombés dessus.
Mon père m’a regardée d’un air dégouté “Vous êtes toutes des putes. Comme ta mère”.
Première tentative de suicide.
Pendant des années, il a répété “Tu sais je suis pas ton père biologique en fait” semant le doute, semaine après semaine… Il mentait.
Et puis un soir, quand j’ai eu 20 ans, il a dérapé. Je me suis enfuie, j’ai été aidée par un gars qui m’a ramenée chez moi.
Je n’ai plus jamais voulu le voir après. Il m’a cherchée partout, en boîte de nuit, dans les cafés, a sonné chez moi. J’ai rompu tout lien. J’ai arrêté totalement de boire pendant des années. Maintenant, je ne supporte plus l’alcool, au-delà de 3 verres je suis malade.
Il ne m’a plus revue jusqu’à mes 38 ans où je lui ai tout balancé en pleine gueule. Il ne s’est jamais excusé. Il s’est juste marré en me traitant de “Cosette”. Il a essayé de me vendre sa maison en viager et s’est amusé à m’insulter pendant le peu de temps où je l’ai revu.
Mais que je hais ce type…