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Lettre à un médecin sadique

Cela fait des années que je veux envoyer cette lettre à un médecin traitant mais je n’y arrive pas, je change tous les ans le chiffre à la fin de la lettre et j’attends le “bon moment.”…
“Monsieur C…….. S….,
Je suis venue vous parler d’une adolescente de 16 ans qui hurle depuis 26 ans dans mon corps.
Elle vous a amèrement rencontré en septembre 1991. Depuis elle pense à vous et ce n’est plus supportable. Nous voulons, elle et moi, vous le dire.
Personne n’a pu ce jour-là ni par la suite la défendre et la protéger. Maintenant je vais le faire.

Je ne connais pas votre niveau d’ignorance sur cette extrême rancune que j’ai envers vous. Je veux que vous la connaissiez pour enfin vomir cette douleur qui brûle comme au premier jour.

Au cours d’une consultation chez vous pour une malheureuse grippe bénigne qui ne passait pas, ma mère a cru bon de vous informer que je n’étais toujours pas réglée.
Sans me parler, sans m’expliquer, vous dites “et bé on va regarder !”.
A partir de ce moment là, je n’ai plus existé.
Vous installez du matériel que je ne connais pas et me dites de m’allonger toute nue. Très angoissée je m’exécute, on fait confiance à son médecin, et maman aussi lui fait confiance, elle laisse faire, c’est pour mon bien, vous savez ce que vous faites. Mais vous allez faire quoi ? me voir toute nue, me toucher et regarder mon sexe ? Vous avez le droit ? je n’ai jamais été vue ni touchée par personne, vous avez le droit vous ? mais oui, vous le faites. Premier coup.

Vous commencez votre examen toujours sans me parler, et même me regarder – si vous l’aviez fait vous auriez vu la frayeur extrême dans mes yeux. Ma mère la voit. Elle me voit lui supplier en hurlant d’arrêter tout ça. Je lis dans ces yeux qu’elle entend mon cri étouffé, qu’elle a peur pour moi, que ce que je vis devant elle est terrible mais elle est aussi paralysée par votre compétence et n’a pas la force de vous contredire. Je lis dans ces yeux de la culpabilité, de l’impuissance, et un regard qui me demande de la pardonner. Ce que j’ai fait peu de temps après, elle aussi a été traumatisée.

Mon corps est entre vos mains. Vous le manipulez sans retenue, il est à vous. Il est nu. Les jambes sont écartées. Vous commencez par toucher mes seins, ça fait mal. C’est la première fois que quelqu’un touche mes petits seins. J’avais constaté qu’ils ne grossissaient pas autant que les copines, mais je m’en sortais pas trop mal avec cette idée, je l’acceptais. Vous dites à ma mère que vous ne sentez rien, mes seins ne se développeront pas. Et vous ajoutez “elle n’aura jamais de poitrine”. Deuxième coup.
Je me trompais. Je pensais avoir une petite poitrine mais vous m’apprenez – toujours avec une délicatesse et une attention cruellement inexistante – que je n’ai rien, je n’ai pas de seins et n’en aurai jamais. Ma capacité à les accepter et les revendiquer est anéantie puisque vous dénoncez ma naïveté de penser que j’ai une poitrine, comme toutes les femmes.

Vous continuez par mon sexe. Troisième coup.
Il vous appartient. Aucune précaution n’est nécessaire pour vous pour faire ça. Vous vous donnez le droit de faire silencieusement ce que vous voulez avec cette partie intime qui m’appartenait exclusivement jusque là. Je suis vierge, vous me le demandez même pas, vous n’en tenez pas compte.
Cette partie de mon corps qui est censé devenir un objet de désir dont je ne connais encore pas grand chose est à vous, votre froideur silencieuse me le fait savoir.
Vous introduisez un appareil dans mon vagin, ça fait très mal. Vous faites quoi ? je ne sais pas. Vous dites – toujours en vous adressant exclusivement à Maman – que tout est normal. Vous voyez quelque chose – je n’ai pas retenu le terme – qui vous permet de conclure qu’il n’y a pas de problème.
Je regarde le plafond pendant des secondes éternelles, en vivant sans aucune possibilité d’arrêter ma perte d’intimité et le vol de mon corps. C’est terrible. Vous vous appropriez, sans mon accord, cette partie intime et encore inconnue. Vous la connaissez maintenant, pas moi, et elle ne m’appartient plus.

Je suis sortie de chez vous vide, avec une sensation physique très forte de légèreté. Ce mot n’est pas à entendre dans le sens d’une légèreté venant d’un bien-être, mais d’une légèreté venant d’un “ne plus être”. Je ne suis maintenant plus qu’un esprit enfermé dans ce corps qui ne m’appartient plus, je ne le sens plus, je ne sens plus son poids. Il n’est plus à moi, il est aux autres. Je viens de comprendre que n’ayant pas eu les armes pour me défendre de cette première agression – la première mais pas la moindre, elle est majeure, primordiale, capitale, essentielle – je ne pourrai jamais me ré-approprier de façon exclusive mon corps. C’est déjà trop tard. Je suis maintenant vulnérable à toutes agressions. N’importe qui peut faire ce qu’il veut de ce corps, dans lequel je me sens maintenant mal et que je n’aime plus.

Une dernière chose qui rajoute de l’insupportable à ces minutes d’exercice médical : une prise de sang suffisait à faire un diagnostic digne de professionnalisme et de compétence. Juste une malheureuse petite prise de sang Monsieur le Docteur, c’est seulement ce qu’il fallait faire. C’est un adénome hypophysaire qui a créé cet aménorrhée primaire. Le taux de prolactine l’a montré.

J’ai passé la soirée à pleurer, recroquevillée pour essayer de me protéger, de défendre ce corps maltraité, mais c’était trop tard, il n’était plus le mien. Je n’existais plus à part entière. J’étais devenue un esprit dans une marionnette qui était manipulée par les autres.

J’ai d’abord essayé d’accepter cette situation, de la croire normale, il faut que je l’accepte. On m’a enlevé mon identité, mon caractère, ma confiance en moi, c’est sûrement pour mon bien, parce que je ne suis pas capable de m’occuper de moi. Il faut que les autres le fassent pour moi. C’est ma vie, je dois être dépendante, on me l’a fait comprendre. Alors je vais laisser les autres décider pour moi et ne surtout jamais prendre une décision, donner un avis, faire un choix. Tout ce qui émanera de moi sera forcément faux et sans intérêt. Ce sont les autres qui savent, pas moi. J’attends qu’ils fassent les choix pour moi. Je ne sais même plus répondre oui ou non à des questions toutes simples.

Petit à petit, une phobie sociale a commencé, suivie de très près par la phobie des chiens. Impossible de sortir normalement de chez moi. Ben oui, c’est quand même un peu stressant de savoir que n’importe qui peut agresser à tout moment ce sac d’organe dans lequel je suis enfermée et que je n’ai aucune arme pour me défendre. Et si je ne peux pas faire confiance à l’homme, comment je peux faire confiance à un chien qui est aussi un agresseur potentiel.
J’ai donc arrêté mes études à Toulouse pour suivre des cours par correspondance. Retour à la maison. Une année enfermée chez mes parents à étudier le langage de la communication (étonnant, non ?) , à scruter la fenêtre pour voir si personne n’allait venir m’agresser et à aller devant le miroir pour me toucher les joues, le visage, les mains, les bras, en me répétant à voix haute “c’est à moi, c’est moi que je vois”. Je pensais même que je devenais folle. Cet exercice identitaire était comme un appel de mon inconscient, et pourtant rien ne résonnait.

Des séances de sophrologie et de psychologie, et quand même un reste d’envie d’essayer de ne pas foutre toute ma vie en l’air, m’ont amenée à essayer de ressortir. Je suis allée étudier à Agen où je me mettais en danger dans la rue le moins possible, je ne faisais que les trajets obligatoires, en marchant très vite…
Pour m’aider, j’ai rencontré là-bas une autre psychologue qui, stupéfaite par votre geste, m’a encouragée fortement à contacter avec elle l’Ordre des Médecins – Maman m’a proposé de faire la même démarche avec moi – Je n’ai pas osé, non pas parce que j’avais peur ou que je trouvais cette action démesurée, mais encore une fois, n’ayant plus d’arme de défense, cette démarche me paraissait impossible.

Pour ponctuer les 20 ans qui ont suivi, je vais juste citer 3 rencontres :
– La rencontre avec la danse qui était le seul moment où je me sentais bien. Je me ré-appropriais mon corps, c’était exceptionnel et agréable, voire jouissif. Je, et moi-seule, bougeais et manipulais mon corps comme je le voulais. La scène était le seul incroyable endroit où j’étais devant des gens qui me regardaient et qui ne pouvaient pas me toucher.
– La rencontre avec une kinésiologue qui ne connaissait pas ma vie et l’imposition de ses mains lui ont montré une incongruité d’âge. Mon psychisme était plus jeune que mon âge physique réel.
– Et la rencontre avec l’alcool, une solution radicale pour se détruire.

J’ai vécu à moitié et j’ai essayé de me détruire, mais ça suffit.
Je garde la blessure mais enlève la douleur.
Je choisis à présent d’aller bien, de vivre comme je le veux, avec mes qualités, mes bonheurs, ma beauté, mes envies et mes choix affirmés.

Maintenant j’en suis sûre, je n’accepterais jamais cette violence, et ce moment pourrit de ma vie, je peux juste le surmonter pour ne plus en souffrir et la seule chose qui me reste à faire, c’est de vous le rendre aujourd’hui.

Je m’appelle É…….. et j’ai 42 ans.”

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Jécoute
Jécoute
6 années plus tôt

Salir les jeunes et jolies filles … détruire un corps pur et le posseder. Il ne faut pas aller consulter un homme. On est femme et on va voir des femmes médecins…

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Coloquinte
Coloquinte
6 années plus tôt

Bravo pour cette lettre poignante, que j’aurais voulu écrire. Bravo pour avoir su exprimer tout ce mal être destructeur que le temps amplifie. Merci.

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Octobre
Octobre
6 années plus tôt
Répondre à  Coloquinte

Merci beaucoup Coloquinte… Votre message me touche beaucoup. Rien que pour vos mots et votre soutien, je suis contente d’avoir posté ma lettre ici.

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Lina
Lina
6 années plus tôt

Chère E,

Votre histoire, c’est la mienne, c’en est confondant.

J’ai simplement 15 ans de plus que vous. A cette époque, les petites filles violées et niées dans les cabinets médicaux avaient tort, et étaient l’objet de moqueries, même si elles pleuraient, et les autres femmes, celles qui attendaient leur tour dans la salle d’attente, riaient de leur état de colère, et de leur détresse. Enfin, quoi, des médecins (ils étaient 5 ou 6) ! comment peut-on penser à mal ?
Ben ouais, ils avaient bien tous les droits… Je ne sais pas si les choses ont changé, souhaitons que ce site y participe.
Je n’oublierai jamais ce qui m’a été fait, mais je peux vivre avec. Je me protège de mon mieux du milieu médical : quand je peux choisir, mes médecins sont maintenant des femmes, avec un peu de chance, elles montrent plus de respect de la douleur, quelle qu’en soit la nature.

Je fais comme vous, je dépose ce moment pourri de ma vie sur ce site. Par contre, je garde la colère, elle est à moi.

Lina

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