Je ne sais pas pourquoi je pleure. Ce qui s’est passé, je n’en sais rien. Je ne vois pas, je ne sens pas. C’est le brouillard, c’est la nuit noire, c’est l’angoissante certitude qui me réveillent tous les matins. Je n’en parle pas, puisqu’il n’y a pas d’images, pas de noms, pas de circonstances. Pourtant, je sais que ce stress permanent et invisible, ces tocs qui polluent mes journées, cette fragilité dans ma voix, cette fausse assurance au travail, ne sont pas moi. Je ne suis pas ces signes étranges, ces symptômes traumatiques, ces frissons obsédants. Je ne suis pas cette gorge nouée, ce tremblement dans les hanches, cette paralysie des jambes, cette raideur dans la mâchoire. Je ne suis pas non plus ces picotements électriques dans le bas-ventre, cette vague de sensations sexuelles qui ne s’en va pas, que j’emmène partout avec moi. Je ne sais pas pourquoi je pleure, après avoir fait l’amour. Je ne sais pas pourquoi il m’arrive de restée bloquée, immobile, pétrifiée dans les toilettes au boulot. Je sais simplement que quelqu’un a posé sa main sur moi, s’est emparé de ma chair, a laissé sa marque en moi comme une signature infernale. Le reste ? Je ne m’en souviens plus. En imagination, je me débats, je le frappe, je pousse un hurlement salvateur. En imagination, je le pointe du doigt, je le regarde jusqu’à ce qu’il en meurt. En imagination, je me libère de cette chose qui a empoisonné la saveur de ma vie. En imagination, je m’arrache à ce masque silencieux qui m’interdit de me sentir belle de l’intérieur. En imagination, j’ose revivre et ouvrir mon coeur à ce qui pourrait le guérir.
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