Ils ne m’ont pas cru…
Ma mère, que je nommerai Mona par respect pour sa vie privée, à quitté mon père en 1992, pour se remarier avec un homme, que je nommerai Quenouille, parce que c’est absurde. J’avais 4 ans, mon petit frère 3. Je m’excuse d’avance, je n’ai pas de jolis mots pour raconter cette histoire.
La violence s’est installée très rapidement dans notre quotidien, Quenouille estimant que mon frère et moi devions lui faire une place dans nos cœurs, il y a creusé un trou à coup de poing, à coup de fouet… Il nous a isolé de notre famille, se fâchant avec tout le monde, nous éloignant géographique des nôtres et pendant des années nous a fait croire que notre père ne voulait pas nous, que nous lui devions de la reconnaissance car lui, il s’occupait de nous comme si on était ses enfants. Nous devions l’appeler Papa, et pour « éviter les confusions », nous avons du appeler notre père par son prénom.
Un repas arrosé.
Il était ivre et a remarqué un trou sur mon collant. Il l’a déchiré devant ma mère et mon frère. Je crois que je n’avais pas 5 ans.
Vacances de rêve.
Je devais avoir à peine 5 ans. J’avais dit un gros mot et cela lui a été répété. Il m’a attrapé par la taille, m’a soulevé de terre et m’a collé contre son bas-ventre en hurlant « C’est ça, une putain ! Elle se font prendre, comme ça, c’est ça que tu veux ? »
Sur mes gardes.
Il entrait régulièrement dans la douche lorsque je me lavais, jusqu’à ce que je quitte la maison. Quenouille fouillait ma chambre jusque dans mon tiroir de sous vêtements. Je le sais parce que j’avais planqué des papiers de bonbons un peu partout, comme il était maniaque, il ne pouvait pas s’empêcher de me hurler dessus. Très tôt, il a insisté pour que je me maquille, que je porte des talons, des strings. Pour donner une idée, on m’a offert ma première guêpière, avec porte jarretelle et tout le tralala, à 15 ans ou 16 ans.
Frigide ?
J’étais seule, avec lui, j’avais 11 ans. Il m’a demandé si j’étais frigide. Il m’a expliqué qu’il fallait vérifier si les filles étaient frigides, qu’en général, c’était le mari mais que le papa, il pouvait le faire aussi. Il m’a demandé si j’étais d’accord. Je ne me souviens plus si j’ai dis oui mais il s’est agenouillé et « à vérifié » pendant un moment avant de se relever et de me demander si j’avais « déjà vu un mec bander ». J’ai dis non alors il m’a montré son sexe en érection. Il m’a dit que c’était un secret entre lui et moi.
Juste des câlins.
Un jour, il m’a expliqué que c’était normal qu’il me caresse les fesses, qu’il faisait ça avec ses frères aussi, que la peau était plus douce, que c’était pas lui le gros cochon mais ceux qui voyait le mal partout, que c’était juste des câlins. Ma mère l’a vu faire ce genre de chose, c’était tellement normal à la maison qu’il l’a fait devant ma grand-mère et mon oncle.
J’ai relaté ces faits dans un mail que j’ai envoyé à Mona et à mon frère. Ma mère m’a insultée et mon frère à coupé les ponts.
Merci de m’avoir lue.
On te lit la rage au coeur, consternées et chagrinées. Tu es bien lucide et bien courageuse, ta mère ne le supporte pas, elle est aussi coupable et moche que son second mari, ton frère doit préférer le confort de sa lâcheté et de son déni. Classique dans les familles incestueuses.
C’est très dur à vivre mais au moins tu as nommé les choses, dit la vérité, replacé les événements à leur juste place. La suite serait logiquement une demande de justice et de châtiment pour les coupables.
J’espère que tu as quand même pu te faire une vie satisfaisante. Tout mon soutien.
Chère Alexandra,
Je suis de l’avis de Loulou ! À chaque mot que je lisais de vous, j’avais une furieuse envie de foutre une raclée à votre Quenouille, mais aussi à votre mère !
La maltraitance que vous avez subie a fait remonter celle que j’ai vécue ! Les coups, la violence, la peur, le fait d’être sur ses gardes à chaque seconde, de ne jamais se sentir en sécurité, de crever de trouille !
Mon père était un vrai cogneur et croyez-moi, il se défoulait et prenait tout ce qu’il avait sous la main pour nous battre avec, ma sœur et moi !
Je n’ai pas subi d’inceste de sa part, mais un pédophile s’est occupé de ma sœur et moi pendant presque 4 ans alors que j’avais 6 ans et demi. Donc, les viols étaient commis par un porc se trouvant à l’extérieur de ma famille ! Une chance !
Vous vous retrouvez seule parce que vous avez osé raconté ce que votre bourreau vous a fait !
Je pense, pour ma part, que vous avez toujours été seule, tout comme moi ! Un enfant sait s’il est seul ou pas !
Ma famille aussi a éclaté, quand j’ai été porté plainte contre mon pédophile ! Pour mon père ce n’était pas ce qu’il fallait faire et pour lui, c’était du n’importe quoi !
Ma sœur qui croyait avoir été la seule qui avait été violée, clamait depuis l’enfance que c’était la seule victime ! Moi, je restais muette ! Je la laissais être la seule victime et se faire plaindre ! C’était si important pour elle !
Sauf que le pédophile est passé aux aveux en 2009 et m’a mentionnée comme victime, moi aussi ! Eh bien, pour ma sœur, je ne l’étais pas, ni pour mes parents qui malgré les aveux signés du pédophile et ma plainte n’y croient toujours pas !
Alors, seule, je l’ai toujours été et je pense qu’il en est de même pour vous, Alexandra! J’espère que vous ne souffrez pas trop de vous savoir seule !
Quand je vois le recul que vous avez sur les faits, comment vous les percevez et les jugez, cette lucidité et cet espèce de détachement, je vous sens dépitée, résignée, écœurée, emplie de colère et même de rage, et il y a de quoi !
Ce détachement, comme si vous ne vouliez pas que cela vous affecte ! Vous vous coupez de vos émotions, vous ne voulez pas souffrir ! Attention, c’est dangereux pour votre santé et j’en sais quelque chose!
Ce dépit, cette colère mêlée de chagrin, provoquée par l’immense déception et tristesse que vous ressentez de ne pas avoir été une enfant aimée, mais juste un exutoire physique et sexuel, une chose que l’on peut utiliser gratuitement comme objet sexuel et sur laquelle on peut cogner pour évacuer ses frustrations !
Cette amertume, cette colère, du fait qu’il n’y ait que vous qui souffriez et pas eux, votre mère et ce pourri de Quenouille !
Cet écœurement de ne pas voir vos bourreaux punis ! Cette résignation imposée par le fait que ce soit votre famille la coupable de vos souffrances, votre famille qu’il faudrait dénoncer et punir ! Cette impossibilité à agir du fait que ce soit votre famille !
Tout cela génère une colère monstre et une rage certaine !
Alexandra, votre premier pas a été votre email adressé à votre mère et à votre frère.
Votre deuxième pas a été de nous confier votre histoire et votre souffrance.
Qu’allez vous faire ensuite pour vous sentir mieux, pour avancer sur le chemin de la guérison ?
Je suis curieuse de le savoir ! Moi, cela fait huit ans que je suis en thérapie ! Trop de colère accumulée !
J’espère que vous continuerez à prendre soin de vous ! Vous avez et avez eu beaucoup de courage jusqu’ici, pour avoir survécu à cet enfer !
J’espère que vous avez pu vous reconstruire et être heureuse, mais le ton de votre témoignage me fait penser que non ! La souffrance a une place trop grande!
Je reste à votre écoute si vous souhaitez me ou nous parler !
Je vous souhaite le meilleur ! Vous avez toute ma tendresse !
Catoune.
Alexandra, je sais le mal que cela fait de ne pas être crue par les personnes que l’on aime, mais on y survit ! Seule, mais toujours là ! Restez forte !
Bonjour Alexandra,
Je suis de l’avis de Catoune. On sait qu’on a toujours été seule. Moi c’est mes fréres. On m’a crue enfin sauf une. Pourquoi je parle seulement? La bonne blague. C’est dure. Un tsunami qui nous ravage. Accroche toi. Suit une thérapie. Prends soin toi. Fais du sport. Fais ce qui te fait du bien. Courage.
Je te comprends.
Merci pour ton soutien.Les mots sont des formules magiques. Je suis très touchée, je ne m’attendais pas à ce qu’autant de gens lisent mon histoire… Je ne m’attendais à ce genre de message, aussi rapidement. Merci du fond du cœur.
Je sais qu’on peut les penser lâches et coupables mais je pense qu’il serait simplement trop douloureux pour eux de m’écouter pour le moment. C’est en effet classique dans ce genre de situation et je me dis que finalement… Pour une fois que ma famille réagit de façon tout à fait normal, je vais pas me plaindre Je leur laisse le temps dont ils ont besoin, même s’ils auront besoin de 20 ans. Bien sûr, c’est triste, je pleure souvent, et plus je pleure moins j’ai mal, étrange, non ?
J’ai la chance d’avoir rencontré des gens extra qui sont présents, à l’écoute. J’ai pu retisser des liens solides avec mon père, par exemple. Je sais que j’ai plus de chance que d’autres.
Je suis bien entourée, et c’est important.
En ce qui concerne la justice, j’ai peur de ne pas y être prête. Peut-être que je ne le serais jamais. Sauf si je venais à me rendre compte qu’il a fait d’autres victimes. C’est une étape qui fait peur.
Vous avez raison, je savais à quoi m’attendre. J’avais déjà tenté de dénoncer la violence physique quand j’étais adolescente et déjà, bien qu’ayant été témoin de tout, ma mère s’était enfoncée dans un profond déni.
Je lis beaucoup de souffrances dans vos phrases et j’en suis désolée pour vous. Votre histoire est dure à lire… Je vous avoue que de mon côté, depuis que j’ai cliqué sur “envoyer”, toute ma rage, mes envies de saccage, mes douleurs et mes folies ont disparues. Voilà pourquoi j’ai écrit de manière si détachée. Jusqu’à ce mail, je devais faire semblant d’aimer mon bourreau, je devais l’appeler Papa et c’était douloureux voire répugnant. Aujourd’hui, je sais que je ne le reverrai plus et surtout, je n’ai plus peur. Je crois même que quelque part, j’espère un jour, avoir droit à une confrontation pour lui présenter la guerrière qu’il a créé 😀
Bien sûr, j’ai des moments de tristesse mais je ne suis plus débordée par tout ça. Et comme je l’ai raconté à Loulou, j’ai une chance incroyable, j’ai trouvé sur ma route des gens géniaux qui me (sup)portent dans ces moments compliqués.
Et pour répondre à votre question, j’envisage de reprendre des études pour travailler dans la protection de l’enfance. J’aimerai me dire que je n’ai pas vécu tout ça pour rien.
Je vous souhaite le meilleur à vous aussi. Vous n’êtes pas seul(e), nous sommes légions et nous vous croyons.
C’est dure de lire tant de solitude. Je suis effrayée de voir le nombre personne dans ma situation qui se sentent seules…
Dans un monde parfait, nous serions entouré(e)s et protégé(e)s par nos parents. Il n’existe pas encore ce monde, mais j’ai l’impression que nous sommes en train de le fabriquer, tu ne crois pas ?
Le tsunami est une métaphore approprié ! J’ai comparé ça à un ouragan. C’est dévastateur, il faut tout casser pour tout reconstruire en plus beau. C’est long et difficile mais on y arrive, j’en suis certaine.
Je te souhaite beaucoup de courage, je suis de tout cœur avec toi, et je crois que je ne suis pas la seule ! Regarde ce site, c’est presque incroyable ! Je suis restée interdite devant tous ces témoignages, tous ces commentaires bienveillants…
Oui, je comprends, j’ai entendu “mais tu vas pas remuer tout ça maintenant, tu ferais beaucoup de mal à ta mère”. J’ai décidée d’être en total désaccord avec cette personne. On peut recentrer le débat ? J’avais trop peur de parler avant. Je ne vais pas faire du mal à ma mère en racontant que son mari m’a violée, c’est son mari qui a fait du mal en me violant. Et surtout, j’ai payé toute ma vie les mauvais choix de ma mère et là, il était temps qu’elle les assume toute seule. Je n’ai jamais été aussi sûre de moi qu’en écrivant ces phrases !
C’est dur de se faire entendre, je comprends. N’hésite pas à le crier 🙂
Chère Alexandra,
Merci pour votre réponse ! Désolée que la mienne vienne un peu tard. Il y a tellement de victimes et en travaillant, ce n’est pas simple de trouver du temps ! Même si je ne dors que 4 ou 5h par nuit !
En plus, j’étais sur le témoignage de “Marre de voir la gamine d’en face se faire violer” !
J’ai lu vos réponses sur votre post et sur d’autres, et vous m’avez parue aller assez bien ! Alors, que la gamine du post que je viens de citer est toujours en danger, donc je l’ai faite passer en priorité.
Merci pour vos explications quant au détachement avec lequel vous avez écrit et merci pour votre réponse concernant ce que vous alliez faire maintenant.
Je suis ravie de savoir que vous allez reprendre vos études pour plus tard venir en aide à des mineurs. Bravo ! Je suis vraiment fière de vous !
Par contre, je ne crois pas trop que l’on se débarrasse de sa souffrance juste en envoyant un email ! Bien que, pour certains, cela marche !
Je suis d’accord sur le fait qu’il y a des jours avec et des jours sans ! Des moments tristes et d’autres plus joyeux !
Ce qui me ravie au plus haut point pour vous, c’est de vous savoir bien entourée ! Peu de victimes ont cette chance !
Donc, même si vous pleurez, surtout en ce moment, je m’inquiète moins pour vous, du fait que vous n’êtes pas seule !
J’ai lu aussi, que depuis votre email, vous éprouvez le besoin de parler de votre vécu. C’est normal ! Une fois que le silence si pesant est rompu, une fois que la porte bloquée cède, tout le contenu se déverse ! Ça passera, vous verrez!
En ce qui me concerne, mon histoire est dure et triste aussi, mais ça va ! Certes, il y a de la souffrance et des larmes, mais il y a aussi le soleil, les collègues, les vraies amies, la vie quoi !
Votre porc a fait de vous une guerrière, les miens aussi !
Merci de m’avoir souhaité le meilleur ! J’espère que votre vie sera belle et douce maintenant !
Restez forte surtout et s’il y a des moments de blues, revenez vers nous, nous restons à l’écoute.
Bonne chance Alexandra !
Tendresse !
Catoune.
Bonjour Catoune,
Non, bien sûr que non, il ne suffit pas d’un mail pour que la souffrance s’envole. Ce serait trop beau, hein ? Je parlais de “mes folies”, et de tout ce que je ressentais de mauvais pour moi, de toutes les fois où je me suis fait mal, ce genre de truc. Tout ça, s’est envolé en un clic. C’était dur pendant longtemps parce qu’il m’avait demandé mon accord. J’ai eu du mal à intégré qu’ il n’avait même pas à me poser la question. Et qu’aucun enfant ne dois entendre ce genre de question. Comme j’ai eu du mal à comprendre que si je parle aujourd’hui, si les gens souffrent lorsque je raconte, ce n’était pas de ma faute mais de la sienne. Tout ça c’est compliqué mais j’ai bien l’intention de m’en relever et de m’en sortir. Parce que c’est possible
Chère Alexandra,
En effet, si d’un clic toute l’horreur et la souffrance pouvaient disparaître, ce serait formidable !
Ce qu’il y a d’incompréhensible, c’est que tous ces tordus, tous ces malades, tous ces porcs, nous maltraitent, nous violent, nous battent et c’est nous qui avons honte, qui culpabilisons jusqu’à nous faire du mal !
Est-ce indiscret de vous demander comment vous vous punissiez ?
Moi, pour ne plus être une proie, j’ai fait en sorte de ne plus être désirable ! La nourriture me calme ! Mais, ce n’est pas une punition !
Quel pervers ! Vous demander votre accord ! Juste pour que plus tard vous vous torturiez en vous disant je suis coupable, j’étais d’accord ! Mais quelle ordure ! Pousser le vice jusque-là!
De votre accord, il s’en fichait bien et il aurait agit tout pareil, même si vous n’aviez pas été d’accord ! Sa question n’a qu’un seul but, vous détruire !
Vous dites avoir eu du mal à intégrer le fait qu’il n’avait même pas à vous poser la question !
Alexandra, ne vous torturez pas avec cela, car c’est tout simplement parce qu’au fond de vous, vous saviez qu’il se serait passé de votre accord pour faire de votre corps, ce dont il avait envie !
Accord ou pas, cela n’aurait rien changé et cela vous l’aviez bien compris ! D’où votre réaction !
Il n’avait même pas à vous poser la question, parce que vous saviez que cela n’aurait rien changé, d’où votre passivité ! Vous saviez que vous étiez à sa merci, vous n’aviez pas d’échappatoire ! Ne culpabilisez plus !
Ce que vous ne dites pas Alexandra, c’est s’il vous a violée ou pas ! L’a t’il fait ?
Ne vous souciez pas de la souffrance de votre mère et de votre frère ! Ma psy, vous dirait que vous avez déjà bien assez de la vôtre, sans en plus, vous souciez de celle des autres !
Et comme vous le dites, c’est de la faute de quenouille toutes ces souffrances, pas de la vôtre !
Dans cette histoire, la victime c’est vous ! Pas eux ! Souciez-vous de vous !
Vous avez envie de vous en sortir et en plus vous êtes bien entourée, vous y arriverez !
Toute ma tendresse Alexandra !
Catoune.