J’ai mis des années à me convaincre de témoigner. En fait, plus que dénoncer cet homme, je voudrais avoir le droit de mettre une pancarte devant son restaurant avec écrit dessus un truc du genre “Mademoiselle, Madame, si vous venez travailler ici, sachez que cet homme fait ça aux femmes” ou “Mademoiselle, Madame, si vous venez manger dans ce resto, sachez que vous d’abord considérée comme une proie potentielle”.
Je ne sais pas comment raconter. Dès le 2ème jour dans ce restaurant, on m’a dit de me méfier du patron et j’ai vite compris pourquoi. Malgré la présence de membres de sa famille dans le resto, comme les autres j’ai dû tout subir, des allusions permanentes, des propositions, les gestes, tout ce que vous pouvez imaginer. Dès la première semaine j’allais au boulot la boule au ventre mais j’avais trop besoin de ce travail et ça me bloquait pour partir, et j’étais trop naïve pour porter plainte, je ne savais même pas que ça se faisait. Rien que le voir me reluquer de haut en bas ou reluquer les clientes me donnait la nausée. A la fin de mon dernier jour, je suis allée me jeter toute habillée dans la mer pour crier ma joie et ma haine et me laver de cet homme. Je pense souvent à celles qui ont cédé en croyant à ses promesses. J’ai une bonne vie aujourd’hui mais je suis toujours incapable de retourner dans cette ville.
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