Pépère,
Dois-je encore t’appeler ainsi ? Mérites-tu que je t’appelle encore ainsi ? Après ce que tu m’as fait, après ce que tu as fait à ma sœur ?
Cela fait des années que, inconsciemment puis aujourd’hui consciemment je souffre de tes caresses dégueulasses…
Je ressens au plus profond de moi cette détresse qui m’envahissait lorsque je t’entendais arriver pour me dire « bonne nuit ». Je me démenais dans le lit pour coincer ma chemise de nuit, serrer mes jambes le plus possible, pour t’empêcher d’approcher de mon intimité.
Tu t’approchais, me donnais ce bonbon que j’associe encore aujourd’hui à la souffrance, la terreur que tu m’infligeais. Ce bonbon à la réglisse, de forme ovale, noir sur lequel il était écrit « poulain »… et puis…
J’avais beau me démener, serrer les jambes de toutes mes forces, tu arrivais, ta main arrivait toujours à ces fins…
Dégueulasse, immonde !! Comment un grand-père peut-il profiter à ce point de sa petite fille, de ses petites filles ?
Tu es un monstre !!
Ah, le grand père parfait !! Le grand-père entouré de tous ses petits enfants tu cachais bien ton jeu !!! Les bons petits plats que tu nous préparais, les soupes, les beignets… n’ont pas suffi à calmer la souffrance, les blessures que tu m’as infligée. Je suis blessée, sale au plus profond de mon être.
Et j’étais seule, seule avec la crasse que tu laissais en moi. Seule car aujourd’hui, je réalise que même avec ma sœur qui était parfois dans le lit à mes cotés nous restions murées chacune dans son silence…
Seule car jamais, je n’ai raconté cela à mes parents. Ils auraient trop souffert, auraient été trop tristes…
Seule car jamais, je n’ai raconté cela à mes cousines, mes tantes… On m’aurait traitée de menteuse !! Cela aurait fait des histoires dans la famille. Non, ce grand père était trop parfait, il n’était pas capable de tels actes !!! Eh bien malheureusement si…
Ah, si pour certains des cousins, « L…» c’était la maison du bonheur, c’était pour moi la maison du désespoir !
Pourquoi je n’ai rien dit ? Pourquoi je n’ai pas refusé d’aller en vacances là-bas ? Ne rien dire, ne pas faire de vagues…
Aujourd’hui, il est temps que je me débarrasse de tout cela. Je te rends cette tristesse, cet écœurement, cette terreur. Tout cela t’appartient. Tu étais un malade. Ne viens plus m’ennuyer avec tes saloperies.
Moi, je veux vivre, être heureuse.