Deux copains, deux violeurs.

J’ai encore du mal à trouver les mots justes, mais allons-y.

Comme toutes les femmes, le harcèlement de rue j’ai donné. Les hommes qui se permettent de poser leurs mains sur mon corps selon leur bon plaisir ; ceux qui vous appellent de loin, pour vous insulter quand vous ne répondez pas ; ces hommes mariés qui dans le train, sous vos yeux, retirent leur alliance et touchent leur sexe, comme une invitation.

Mais ça, c’est une nuisance à mes yeux. Ce n’est pas ça qui m’a détruit. Qui me détruit.

Le compagnon de ma grand-mère qui quand j’ai quatorze ans me touche les seins quand il le peut, exige de rentrer dans la salle de bain quand je me douche, et ma grand-mère qui refuse de me croire, et avec qui ma relation sera changée définitivement? C’est triste. Ce n’est pas le pire.

J’ai eu deux copains dans ma vie. Les deux m’ont violée.

Ça a commencé un 15 octobre, c’était l’anniversaire de mon premier copain, nous avions quinze ans. Nous étions seuls ; cela faisait un mois et demi que nous étions en couple, et évidemment nous n’étions que deux sacs d’hormones. Je croyais que c’était ce que je voulais aussi. Pourtant, nue face à lui et son désir, je ne me suis jamais sentie si petite, si insignifiante, si démunie. Il était prêt à le faire sans protection : par chance il n’a pas pu me pénétrer cette fois-là, et il n’a pas insisté. Il l’a fait toutes les suivantes (c’est plus facile de forcer avec un préservatif, qui est lubrifié). Pour toutes les fois d’après, j’avais regardé du porn, pour voir quels bruits j’étais censée faire. J’ai transformé des cris de douleur en cris de plaisir. Je me suis évanouie après plusieurs rapports, « parce que c’était trop bon. » Je n’ai jamais dit non, j’ai toujours menti, parce que j’avais peur qu’il me quitte le jour où je me refusais à lui. Il est parti quand même.

Le deuxième… C’est le plus dur à raconter. J’ai réussi à lui faire admettre qu’il était un violeur, et pourtant même moi je n’ose pas y croire. J’ai oublié beaucoup : ce sont les premières fois où j’ai eu des moments de blackout. Encore une fois, je le faisais par amour pour lui, parce que je ne voulais pas lui dire non. Il savait pour mon ex, et il m’avait interdit de le faire : mais cela l’arrangeait de fermer les yeux sur le fait que malgré tout il me forçait la main, je crois. Jamais violemment au début : il ne faisait qu’insister. Plus de caresses. Plus de baisers. Ce n’est pas comme ça que l’on montre à quelqu’un qu’on l’aime ? Au fur et à mesure que la relation avançait, cela devenait plus violent. J’ai fini entravée, avec moins de valeur qu’un morceau de viande. Il paraît que j’ai pleuré, une fois : cela ne l’a pas arrêté. J’en suis venue à me considérer comme une personne sans valeur, ce que même mon ex n’avait pas réussi à faire. Encore aujourd’hui il y a des conséquences. Ça passera. Ça va déjà beaucoup mieux depuis.

Le pire cependant, c’est que j’arrive encore maintenant à m’en vouloir d’avoir réussi à tenir en me raccrochant au regard d’un autre homme – parce que dans ses yeux j’avais l’impression d’être une personne, peut-être pas importante, mais assez pour que je m’en souvienne.

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