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Balance ta Justice

Je m’appelle Thomas et j’ai 28 ans.

Mon porc s’appelle Jérémy et a 3 ans de plus. Il était mon meilleur pote au collège, et m’a violé à de nombreuses reprises, de mes 10 à 12 ans (entre 2003 et 2005 donc). Cela a duré plus de deux ans, chez lui, chez moi, au collège (où nous étions en internat). On parle de plusieurs dizaines de fois. Enfant précoce, j’ai débarqué au collège à 9 ans, un peu perdu parmi tous les élèves et loin de mes parents, pas facile de quitter le nid à cet âge. Il était l’un des seuls piliers auxquels je me suis accroché et en qui j’avais confiance.

Après quasiment 20 ans d’intériorisation, de culpabilité mais surtout de honte, j’ai réussi à en parler à ma psychologue, que je consultais pour d’autres motifs depuis 2 ans, mais qui m’a sorti les vers du nez pour déboucher enfin sur la raison profonde de mes angoisses, de mes troubles psychologiques et physiques, et grosso modo de tout ce qui ne tourne pas rond chez moi. Les liens se sont établis, et j’ai enfin pu commencer à reconstituer le puzzle de ma vie, à retracer mon chemin et à comprendre qui je suis aujourd’hui.

Ce n’est pas tant pour revenir sur les 20 années que l’on m’a volées, ni pour exprimer non sans émotion les dégâts, toujours actuels, infligés à un petit garçon de 10 ans, que je vous livre ce récit aujourd’hui, mais plutôt pour mettre en lumière mon ras le bol quant à l’incompétence des services publiques et de la justice française, face à des situations aussi destructrices que celle-ci. Un viol est un meurtre de l’âme, et ce n’est pas pour rien que ces affaires sont traitées en cours d’assises au même titre que les crimes.

J’ai longtemps hésité à porter plainte. Comme toute victime, j’ai toujours été envahi de culpabilité et de doutes quant à ma légitimité d’exposer mon histoire publiquement. Comme nombre de ces victimes, j’ai consciemment, puis inconsciemment, enterré l’histoire sous le tapis, espérant que cela se règlerait tout seul. Comme elles j’ai grandi recroquevillé, faible, envahi d’idées noires voire suicidaires. Mes amis, ma psy, mes nombreux autres thérapeutes, m’ont conseillé de m’orienter vers des associations d’aide aux victimes.

Ce fut la première douche froide, lorsque je me suis rendu compte que l’ensemble des institutions publiques, des sites officiels de l’Etat, de la Police… communiquaient quasiment exclusivement sur les violences faites aux femmes. Aucun de ces sites ne mentionnent d’agressions causées au sexe masculin. Ce sexisme d’Etat rend encore plus difficile l’acceptation de son histoire lorsque l’on est un garçon, et renforce davantage ce doute de légitimité.

Je ne dis pas que ces organismes ne se sentent pas concernés par les agressions faites aux hommes, mais qu’elles ne sont jamais explicitement évoquées, peut-être à cause des « chiffres plus faibles », ce qui ajoute un bâton supplémentaire dans les roues des jeunes (ou moins jeunes) garçons qui ont dû mal à se considérer victimes et accepter qu’on leur vienne en aide.

Je ne me suis donc pas tourné vers cette solution, parce que je ne m’y suis pas retrouvé, et que je n’avais pas envie d’être « l’exception » dans une pile de dossiers féminins. Il est déjà suffisamment humiliant et agaçant d’être sans arrêt associé à la gente féminine lorsque l’on est gay.

J’ai donc décidé de porter plainte il y a peu de temps, début décembre 2021, au commissariat du 3ème arrondissement de Paris – que l’on m’avait recommandé pour leur accueil et professionnalisme sur ce genre de dossiers.

A l’accueil, on me dit que tous les officiers de police du commissariat sont formés aux violences sexuelles, et seront à même de recevoir ma plainte. J’ai tout de même eu le choix du sexe de mon interlocuteur.

Pour éviter de perdre les pédales ou d’omettre des éléments, j’avais pris soin de tout poser sur papier auparavant. Je suis donc arrivé avec un récit de 7 pages que j’ai rédigé avec l’aide de mes proches, retraçant l’ensemble des évènements dans leur ordre chronologique. La policière a lu ce document face à moi, pendant 20 minutes. 20 longues minutes de silence à scruter ses réactions. Nous en avons ensuite discuté, et j’ai répondu à ses questions. « C’est très bien écrit en tout cas, vous devriez en faire un livre » …

Les faits ayant eu lieu en Isère, la policière m’informe que mon dossier devait être pris en charge par le Tribunal de Grande Instance de Vienne. Elle passe quelques coups de fil à ses supérieurs et aux magistrats de cette région – tous partis en pause déjeuner. Je reste donc en stand-by au commissariat (il est 13h). J’attends son retour en salle d’attente, mais les heures passent. 14h, 15h, 16h… Finalement on me fait appeler au téléphone de l’accueil, pour me prévenir qu’elle n’a pas réussi à joindre les magistrats en question, et que ne pouvant pas faire d’heures supplémentaires, il me faudrait revenir le lendemain matin. Je repars donc bredouille après plus de 6 heures passées au commissariat.

Je reviens à 10 heures, je commence à connaître un peu tout le monde à l’accueil. Toujours pas ma policière en vue, j’attends… En fait elle a un problème de clavier d’ordinateur, et il me faut encore patienter… La voilà. Nous relisons donc ensemble une nouvelle fois les 7 pages de mon récit. Puis nous les reprenons, paragraphe par paragraphe, pour rédiger la plainte officielle – celle (bourrée de fautes) qui sera envoyée au procureur. Cela dure 3 heures, mais je ressors cette fois du commissariat soulagé, avec un procès verbal dont le titre indique « VIOL sur mineur de moins de 15 ans ». Ces 4 lettres que je n’ai jamais osé employer auparavant, parce que je ne m’en sentais pas légitime. Et qui ce jour-là m’ont ouvert les yeux, avec l’intime conviction que « ça y est c’est parti, justice va enfin pouvoir se faire ». Le début d’une libération.

Avant de partir, l’officière me demande pourquoi j’étais venu jusqu’ici plutôt que dans le commissariat de mon quartier. Je lui fait part des recommandations que l’on m’avait transmises ainsi que de l’affirmation de l’hôtesse d’accueil quant à leur formation spécialisée : « ah non non on n’est pas du tout formé pour cela, d’ailleurs c’est ma première plainte du genre ».

Pour finaliser mon dossier je dois passer un entretien psychologique. La policière m’obtient donc un rendez-vous à l’Unité Médico Juridique de l’Hôtel Dieu de Paris le 17 janvier. Par chance j’étais mineur à l’époque des faits, j’ai donc droit au coupe-file qui m’évite 6 mois d’attente.

Les fêtes de fin d’année passent, et me voilà à la veille de ce rendez-vous, stressé comme pour un oral du bac. Cet entretien dure 3 heures. Un temps infiniment long et en même temps très court pour résumer toute mon histoire, et tout le chemin déjà parcouru durant les quelques 60 séances avec ma psy. Nous évoquons les faits chronologiques, et établissons des liens. Des flashs me reviennent même, me rappelant certains détails qui aujourd’hui me semble avoir une importance capitale. Comme le fait qu’à tout juste 13 ans Jérémy m’enfermait à clé dans sa chambre, quand j’en avais 10, avant de passer à l’acte. Signe qu’il savait ce qu’il faisait.

Cet entretien, obligatoire et réquisitionné par la Police, visait à évaluer l’impact psychologique de ces viols, selon un barème s’étalant de 0 à 30 (que l’on appelle ITT).
Il m’a ainsi été diagnostiqué un état de stress post-traumatique de niveau 30 (puisque la psychologue ne pouvait « pas mettre davantage ») avec modification de la personnalité. Des mots durs à entendre et qui en même temps ont été un vrai soulagement : je ne suis pas fou, tous mes problèmes trouvent leur source dans ce même évènement, et je repars avec la preuve que Jérémy a détruit ma vie. Je n’aurai jamais accès à ce rapport, mais il sera transmis directement au commissariat, qui à leur tour pourra transmettre mon dossier au procureur de la République et ainsi démarrer l’enquête.

Enfin, en théorie. Car dans les faits, je n’ai plus jamais eu de nouvelles depuis ce jour.
J’ai repris contact avec la policière qui m’avait reçu, et elle m’a confirmé avoir bien reçu et transmis le rapport à sa hiérarchie, avant d’être mutée dans un autre commissariat.

C’est le début d’une longue partie de ping-pong entre le commissariat du 3ème arrondissement et le service d’aide aux victimes du tribunal de Paris, que je contacte régulièrement pour avoir des nouvelles, et chacun se renvoie la balle, n’ayant aucune information à me donner. Ma plainte est perdue dans les dédales du labyrinthe administratif.

Je reçois finalement un appel du commissariat, qui m’informe que mon dossier est bien ouvert, qu’il n’a pas été classé sans suite (ouf !), et qu’une enquête est en cours. « Je vois des éléments dans votre dossier, ne vous inquiétez pas ». Rien de plus, mais déjà de quoi me rassurer.

Je reçois le lendemain un nouveau coup de fil du commissariat, me demandant si je m’étais rendu à mon entretien psychologique du 17 janvier – alors que ce rapport était justement la condition nécessaire pour la transmission du dossier. D’une part je me rends compte qu’aucune enquête ne pouvait donc être en cours puisque le dossier n’est pas complet, et d’autre part que cette fois c’est mon rapport d’expertise psychologique qui a été perdu. Cerise sur le gâteau, on me dit que la policière avec qui j’avais repris contact n’a pas pu recevoir ce rapport, puisque celle-ci a été mutée avant même mon rendez-vous…

Bref dans tout ce bordel administratif, le commissariat effectue une nouvelle demande auprès de l’Hôtel Dieu pour récupérer ce rapport, et peut lancer (enfin) la procédure.

Un mois plus tard, toujours pas de nouvelles. Je rappelle le commissariat, qui me renvoie vers le tribunal, qui à son tour me renvoie vers le commissariat. C’est reparti pour une partie de ping-pong. Mon interlocutrice au bureau d’aide aux victimes me dit se renseigner et revenir vers moi, ce qui n’a jamais été fait. J’ai donc pris l’initiative d’écrire un courrier recommandé à la Procureure de la République de Vienne, à qui mon dossier était censé être destiné, pour lui exposer la situation et lui demander des nouvelles, en prenant soin de lui joindre mon procès verbal et lui rappeler les faits. Elle m’a gentiment laissé un message à réception du courrier, pour m’informer qu’elle n’avait pas été saisie pour ce dossier (dont elle n’avait pas connaissance), et qu’avec les quelques recherches qu’elle avait effectuées, il apparaît que ma plainte est « toujours » au Parquet de Paris (alors qu’eux-même étaient incapables de me dire s’ils l’avaient reçue), et a pu me communiquer sa référence interne. Par ailleurs elle m’a indiqué ne pas comprendre en quoi elle serait concernée par cette plainte, qui devrait plutôt être gérée par le tribunal de Grenoble (c’est reparti pour un tour…).

Le vendredi suivant j’appelle donc de nouveau le bureau d’aide aux victimes (puisque le tribunal de Paris est toujours injoignable), en leur donnant cette référence pour qu’ils puissent enfin retrouver le dossier : « Je vais me renseigner et vous rappelle dans la journée ». De nouveau, pas de nouvelles. Le week-end passe, je les rappelle lundi, mais personne ne répond. J’appelle l’accueil du tribunal, personne ne répond non plus. Je finis par me rendre sur place, et découvre un bureau d’aide aux victimes en travaux : l’accueil (à 10 mètres) n’était même pas au courant. Je demande à m’adresser à un interlocuteur qui saurait m’aider, et l’hôtesse me tend un ticket et me prie d’attendre face aux guichets d’aide juridictionnelle pour les affaires pénales.

Une dame me reçoit, m’écoute d’un air pressé, et me prend plutôt de haut quand elle ne trouve pas mon dossier dans ses fichiers informatiques. Je lui propose mon aide en lui indiquant le numéro que m’a communiqué la procureure, et l’on me rétorque que ce n’est pas du numéro de PV dont elle a besoin, mais du numéro d’immatriculation au parquet de Paris. Je confirme qu’il s’agit bien de cela, et par chance elle trouve enfin mon dossier. « Bon ! En effet ça coïncide. » Je vais enfin avoir des infos. Ou peut-être pas. Mon interlocutrice a l’air embêtée, il n’est rien précisé dans mon dossier, pas même le secteur du Parquet auquel serait rattachée ma plainte fantôme. J’apprends par ailleurs que c’est le commissariat du 19ème qui est mentionné sur mon dossier, et non celui du 3ème… Elle me suggère donc d’écrire (de nouveau) au Procureur de la République (de Paris cette fois-ci), sur place pour que ce soit plus rapide. Elle me tend une feuille, je lui demande un stylo. « Surtout vous me le rendez-bien ! »
Je m’éclipse à un autre guichet pour rédiger ma lettre, et elle s’adresse à moi de nouveau pour me dire qu’elle va prendre sa pause, et qu’il ne fallait pas que j’oublie de lui rendre son stylo.

Une fois cette lettre écrite et signée, il me faut retourner à l’accueil demander un nouveau ticket, puis patienter 20 minutes (car tous les officiers sont partis manger) avant d’être reçu par l’un de ses collègues, à qui j’ai du ré-expliquer toute l’histoire. Il lit mon courrier sans un mot. « Ma collège vous a prêté un stylo je crois » Je retourne le chercher là où je l’avais redéposé, et lui tend. Il me demande ma carte d’identité, et part faire les photocopies nécessaires. Il me tend mon exemplaire, et m’indique que mon courrier serait distribué au procureur le jour même. Je le remercie, et m’en vais. « Et le stylo ? »

Et voilà où j’en suis, aujourd’hui, dans l’attente des nouvelles de ma plainte, déposée il y a 5 mois, et toujours pas remise au bon service, dans la bonne région.
L’administration est plus efficace quand il s’agit de me renvoyer semaine après semaine des mises en demeures de payer une amende qui ne me concerne même pas.

En France, seul un petit pour-cent des victimes de viols ont le courage de déposer plainte – et un infime pourcentage de ce petit pour-cent donne lieu à une action en justice. Je comprends mieux aujourd’hui l’origine de ces chiffres effrayants, qui décourageraient quiconque de se lancer ainsi dans cet exercice extrêmement difficile mais nécessaire, qu’est la libération de parole.

Tant que le stylo est à sa place et qu’il reste du papier dans l’imprimante, les pédocriminels resteront protégés par l’Etat.

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