J’ai 32ans quand un soir ma copine de l’époque me raconte le viol dont elle à été victime l’année avant que l’on se rencontre.
Au fur et à mesure de son récit, les larmes ruissellent abondamment de mes yeux, mais quelque chose cloche.
Je ressens de la colère et de la tristesse pour ce que mon amie a subi, mais les larmes n’y sont pas connectées, il y autre chose, quelque chose de sourd tapi dans l’ombre depuis longtemps qui emerge et me submerge.
Son récit est un séisme provoquant un tsunami d’emotions qui envahit mon corps mais dont la nature, la raison ou la source m’échappe complètement.
Je suis conscient, éveillé et prisonnier d’un corps qui agit seul et dont je suis spectateur.
Les jours suivants, des flashbacks commencent à me revenir, accompagnés de crises de larmes incontrôlées. C’est là que le puzzle se met à s’assembler, morceau par morceau des bribes de mémoires s’imbriquent les unes aux autres jusqu’à devenir claires, donnant sens à des souvenirs restés dénués de raison jusqu’alors.
J’ai environ 7 ans lorsqu’un jour, B, un garçon de mon quartier poussa mon grand frère dans un tas d’herbe fraichement coupée, je me jetais tel un lion sur lui pour défendre mon frère le poussant et le menaçant de ne pas toucher un cheveu de ce dernier.
Cette histoire m’avait toujours beaucoup amusé tant elle ressemblait à celle de David contre Goliat.
Ce n’est que 27 ans après que j’ai compris le sens de cette histoire. Car pendant 27 ans j’avais oublié ce jour horrible, ce jour où j’ai été abusé sexuellement par B.
J’avais 5 ou 6 ans, nous vivions dans une residence de maisons où les enfants avaient pour habitude de jouer ensemble. Parmi les plus agés, B (12-14 ans) sortait avec S; curieux de ce que faisait les grands ensemble, un jour où B et moi étions seuls à jouer ensemble, je lui demandai ce qu’il faisait avec S.
Au lieu de m’expliquer, il m’emmena dans une des cabanes où nous avions tous l’habitude de jouer et de nous regrouper pour établir des plans de jeux, c’est alors qu’il me montra son sexe et que je me retrouvai à lui faire une fellation. Mes souvenirs restent très flous, je ne m’en souviens pas si j’ai dit non, mais ce sentiment de dégout de lui et de moi même, l’envie de vomir, la honte sont indélébiles, je voulais mourir.
Je me rappelle un jour être sur le bord de la fenêtre de ma chambre à vouloir sauter pour en finir, j’ai environ 9 ans et ce sentiment m’habite toujours encore aujourd’hui.
Ce rejet de moi, je le connaissais bien, mais je ne comprenais pas pourquoi.
Cette perception de soi m’a longtemps gêné dans la construction de soi, dans la construction de l’assurance de soi et de la communication et la mise en confiance vis à vis des autres.
Ayant endormi ce souvenir, j’ai traversé tout cela seul, ces évènements endormis ont continué à croitre dans le noir, influençant mes choix et ma vie sans que je ne m’en rende compte. B. a détruit l’enfant innocent que j’étais ce jour là et grâce à ma memoire, j’ai pu vivre malgré tout.
Aujourd’hui, je sais que je ne suis pas coupable et que j’ai été victime de B., pourtant le soulagement de pouvoir partager mon histoire avec vous tous reste entier.