Suite au mouvement #metoo #denoncetonporc, j’ai décidé d’affronter cette horreur qui a longtemps rongé mon coeur. À mon tour je dénonce mes monstres dans un ultime courage qui m’étais encore inconnu. J’ai tenu à faire ce texte de manière publique pour que les gens ouvrent les yeux et comprennent cette douleur qui nous ronge. Mais aussi pour toutes ces femmes victimes elles aussi, pour qu’elles ne se sentent plus seules et pour qu’elles trouvent le courage de lever fièrement la tête !
La première fois j’avais 14 ans. Il était mon professeur de guitare et j’avais confiance en lui. Bien évidement j’aurai dû me dire que nos conversations n’étaient pas normales et qu’il me mettait mal à l’aise quand il me demandait si j’avais un copain et si je faisais des choses sexuelles avec lui. Bien évidement j’aurai dû en parler quand il me disait que je ne devais plus avoir d’hymen parce que j’étais cavalière de longue date. Mais encore une fois j’avais confiance en lui et j’étais innocente et crédule. Puis finalement il m’a arraché mon innocence, salissant mon corps de sa monstruosité. Je sens encore l’odeur de sa transpiration et le son de son souffle sifflant. Je me vois encore paralysée par la peur… J’ai gardé le silence pendant 12 ans, je me suis auto-détruite parce que j’avais honte et que la douleur me déchirrait. Je me sentais sale et je me disais que c’était de ma faute. J’ai entendu les profs de catéchisme de mon école me dire que parce que j’avais un style particulier c’est que j’avais envie de me faire violer, que c’était de ma faute si il y avait des pédophiles sur terre. Ces profs de catéchisme qui savaient pourtant ce que j’avais vécu. Et pourtant ce fameux jour, j’étais en baggie et tee shirt… L’ombre du monstre ne me quittait pas. J’ai alors fréquenté des milieux douteux car après tout je n’étais qu’un objet sexuel. Je me suis droguée pour oublier en vain et fermer les yeux à tout jamais.
Puis difficilement je me suis relevée. Pas la peine d’énumérer les multiples agressions verbales que nous subissons chaque jour parce que nous sommes nées femmes. On baisse les yeux puisque les autres détournent les leurs. On met ses écouteurs pour faire mine de ne pas attendre mais on met la musique au plus bas pour rester en alerte à la moindre menace…
Malheureusement à 25 ans ça a recommencé. Je rentrais de mon travail sur paris après minuit et c’est bien le chauffeur de bus qui fut mon deuxième monstre. Il a dû me voir shootée à cause des lorazepams que je prenais suite à mes angoisses des attentats de paris. Donc il en a conclu que la voie était libre. Que c’était peut être même une invitation. On était seuls et il a arrêté le bus sur un parking désert non éclairé. Me disant que les filles tatouées étaient plus ouvertes. Baladant ses mains sur mes cuisses prétextant un massage pour me détendre et essayant de remonter à mon entre jambe malgré mes repousses. Au début j’étais paralysée par la peur, j’avais à nouveau 14 ans et des images me revenaient en tête. Puis finalement j’ai trouvé la force de me débattre et il a fini par reculer. Mais il m’a obligé à l’embrasser sur la joue pour que je puisse descendre du bus. Honteuse je l’ai fait car je voulais retrouver ma liberté. J’ai marché pendant plus d’une heure pour rentrer chez moi. Me retournant souvent de peur qu’il ait changé d’avis et ne revienne.
Enfin parlons justice. Je suis allée porter plainte avec l’aide de deux amis qui me sont chers et qui m’ont soutenu dans cette épreuve. L’un d’eux est un homme et il n’a pas hésité un seul instant et je pense qu’il est important de le dire. J’ai été entendu plusieurs fois, on me faisait répéter et répéter les faits en détails. M’obligeant à revivre à chaque fois ce cauchemar. Puis revenait l’éternelle question « vous étiez habillé comment ? » Comme si le vêtement pouvez justifier une agression. Il y a eu des mois de procédure, c’était dur et douloureux car on a honte et on finit par se dégoûter. Toutes ces épreuves pour s’entendre dire que ce chauffeur n’aura qu’un rappel à la loi car comme il n’y a pas eu pénétration il n’y a pas de viole. Cela veut dire quoi ? Que la prochaine fois faut se laisser faire pour être entendue ? Et que dire de mon premier monstre. Affaire classée sans suite par manque de preuves malgré les nombreux témoignages. Que me reste-t-il à penser ? Que ces immondes ordures ne seront inquiétés de rien, que leurs vies vont continuer alors qu’ils ont détruit la mienne. Et pire que tout, qu’ils pourront recommencer et en détruire d’autres. Et moi je n’ai même pas le droit d’être reconnue en tant que victime.
Je voulais me forcer obstinément à enterrer au plus profond de moi cette blessure, entraver cette ombre qui ne m’a jamais quitté. Mais il y a eu cette gamine dont je me suis occupée. Elle aussi se murait dans le silence et la souffrance parce qu’elle avait honte et qu’elle pensait que c’était de sa faute. Elle avait 10 ans quand ça a commencé bordel !
Ce #metoo, c’est aussi un cris de révolte pour que la honte et la culpabilité changent de camp. Pour que la justice agisse pour protéger les victimes en faisant un procès aux bourreaux et non l’inverse. Pour que la question « vous étiez habillé comment? » N’existe plus, car un vêtement ne donne pas droit à un viole. Pour que le « elle l’a bien cherché » disparaisse du vocabulaire car même une « pute » a le droit de dire NON ! Et puis imaginez un instant que cela arrive à votre fille, votre soeur ou votre mère, accepterez vous alors cette injuste et puante excuse ? Pour que les gens ne détournent plus les yeux dans le métro ou la rue. Et pour tous les gens qui disent à la légère que « c’est bon on a conscience du problème », auriez vous imaginé qu’il y aurait autant de #metoo autour de vous?
Je tiens malgré tout à remercier les hommes qui m’ont soutenu et ceux qui soutiennent cette cause. Aujourd’hui je me tiens bien droite, j’ai repris ma vie en mains et je prends part à ce nouveau combat. Que toutes les victimes relèvent la tête fièrement !
Donc à tous ceux qui voudront partager ce post , je leurs dis merci. Merci de porter ce cris et de briser cette omerta du silence !
Courage Karmilla, nous mettrons le temps qu’il faudra, mais nous briserons cette omerta. Un grand merci d’avoir témoigné.
Oui, personne ne doit poser ces question dégueulasses : vous étiez habillée comment ? est-ce que vous aviez,bu,? Il était quelle heure ? qui légitimise la culture du viol. Pardonnez-moi mais vos professeurs de catéchisme se sont comportés de manière ignoble et abjecte et ont fait preuve d’une totale absence de charité élémentaire en vous laissant à votre peine au lieu de vous soutenir et de vous croire. Ce ont à ces porcs d’avoir honte. Personne ne « mérite d’être violé »